Islande 2016
Back to the trolls
Lundi 18 juillet
Back to the trolls. Une double première pour moi : la première fois que je retourne dans un pays en partie visité et la première fois que je voyage seul. C'est bizarre comme sensation de se dire que c'est familier alors que c'était il y a trois ans et que c'était court. Mais, effectivement, dès l'aéroport, qui s'est un peu agrandi, cette familiarité, trouver la navette, savoir que tu comprendras rien à leur anglais parfait alors que tu es bilingue en troll, te dire que sur un bus complet tu seras au final que trois clampins à descendre au camping, les autres allant à divers hôtels pas donnés, comme quoi la crise .... Tente montée vers 2h du mat, heure locale (4h pour Marseille), donc il fait encore jour ici, du mal à m'endormir avec cette lumière, réveillé 4h plus tard, pas moyen de me rendormir. Du coup après une première douche chaude (la géothermie fournit l'eau de l'ensemble du pays qui a peu de soucis d'énergie), direction le centre-ville, à pied, histoire d'économiser un ticket de bus. Car dès l'accueil du camping pour payer deux nuits, le rappel que l'Islande c'est cher s'impose. C'est même plus cher qu'en 2013 (paraitrait que c'est la faute à l'augmentation du nombre de touristes, notamment les bobos journalistes et avocats, c'est ce que CQFD appelle la gentrification...).
Façon le trajet, jusqu'au Mucem, pardon Harpa, prend une demi-heure en longeant le front de mer, ce qui est loin d'être dégueu comme paysage. Le drakkar stylisé n'a pas bronché, toujours impressionnant face à la mer. Harpa, c'est un centre culturel (pas totalement finalisé pour cause de crise de 2008) qui ressemble ach'ment au Mucem. Un beau soleil, puis ça se couvre, puis du vent, puis soleil, c'est bien l'Islande qui t'oblige à une gymnastique vestimentaire tout au long de la journée. Je trace jusqu'au fond du vieux port (pas celui-là, l'autre) avec chantier naval, bateau de pêche, reconstruction de bateau viking, et excursions en bateau pour aller voir des puffins (des macareux, trop mignon) ou les baleines. Pas une thune, donc j'ignore les tentations (même si les macareux c''est trop mignon) et me retrouve au fin fond du port, à côté des terminaux pétroliers (que je bloque dans la foulée pour demander le retrait de la loi travail). Sur le retour, je tombe sur une dizaine de panneaux qui recensent les naufrages autour de l'Islande au fil des siècles. Il y en a eu un moulon, notamment de pécheurs français qui venaient jusqu'au début du 20e siècle (cf. Pécheur d'Islande de Pierre Loti). Dans le tas, il y a aussi le Pourquoi pas ? IV de Charcot, qui sombrera lors d'une tempête en revenant d'une expédition arctique, avec un seul survivant.
Une petite escapade par la mairie avec son lac aux canards et sa grande carte géologique de l'Islande (qui me fait dire que mon programme de rando à l'ouest est peut-être ambitieux), avant de tracer vers la gare routière pour choper mon billet pour la péninsule de Snaefellsnes. Vu la tête d'ahuri du caissier quand je lui dit que je veux aller à Arnarstapi, je me dis, encore un qui comprend rien au troll et lui montre sur la carte. Ben non, y a pas de bus qui y va. Pas d'ici du moins. Et là je comprends que vu que c'est pas une destination prisée par les touristes, c'est pas rentable, donc gérée par la compagnie de bus d'état, celle pour les prolos qui ont pas de 4*4, donc le terminal de bus est bien loin du centre. La lutte des classes ne devraient pas s'oublier en vacances.
Dépité, je
vais manger mon sandwich face au lac aux canards de la mairie, qui s'en
foutent. Je retourne ensuite voir Hallgrimskirkja (je rappelle qu'en Islande
tous les noms de lieux rappellent la géographie de jeux de rôles, je suis
d'ailleurs passé par la rue "Baldursgata"). Hallgrimskirkja c'est pas un portail pour les
enfers mais la principale église luthérienne, à l'architecture futuriste, qui
s'inspire des colonnes basaltiques qu'on retrouve dans le pays. Face à
Halldelenferkja, il y a une statue de Leif Erickson, viking qui a découvert le
Vinland, à savoir l'Amérique du Nord, bien avant Christophe Colomb qui est un
gros branleur.
De là, je remonte la rue St Fé (axiome du voyage, il y a toujours une rue St Fé quelle que soit ta destination), histoire non pas d'acheter des peluches de trolls (c'est pour le retour à Reyjkavik) mais pour faire des provisions de skyrr, leur fromage blanc trop bon. Le magasin c'est Bonus, le discount pas cher, et je chope une nouvelle fois leur sac avec leur emblème, une tirelire cochon qui me fait marrer. Ca me permettra d'agrémenter mon régime à venir à base de soupes chinoises, potages déshydratés et autre jambon pas cher ramenés de France vu qu'ici la bouffe (et pas que) coûte cher. A s'propos, mon sac à dos fait 17 kilos, tente comprise, mais sans compter l'autre sac côté ventre (et je ne parle pas de mes abdominaux kronembourg). Histoire de travailler et chouchouter le corps de rêve qui va porter tout ça (le mien, j'ai entendu vos remarques mesquines par delà la mer), je m'accorde une pause piscine. Les piscines en Islande, c'est raaaaah lovely. Bon, faut dire que la géothermie ça aide (cf. début de ce texte, cancres). Faut s'habituer à prendre la douche à poil avec tout le monde, parce qu'il faut bien se savonner parout (l'eau n'est pas traitée, pas de chlore, pas d'yeux qui piquent) avec une eau qui sent l'oeuf pourri (car forte en soufre).
Ensuite, c'est le paradis. Bassin principal pour les longueurs, en extérieur et chauffé alors qu'il fait 14°. Et à côté des hot-spots. J'ai boycotté celui à 5-8° pour me plonger, après une heure de longueurs (cf. le passage sur "corps de rêve" plus haut), dans celui à 36°. Raaaaaaaaaaah. Une fois que t'es détendu comme pas possible, tu passes à celui à 42° avec jet d'eau dans le dos et les épaules (celles du corps de rêve qui a fait une heure de longueurs, je vous rapelle). Le nirvana continue avec le bain à 42° où tu fonds littéralement. J'ai pas osé le 44° et le bassin d'eau de mer chaude était blindé. Du coup, j'ai renagé une demi-heure, avant de refaire un parcours 36/42°. Ouaip, resté plus de 2h30 ... Et je suis loin d'être le seul, c'est le lieu de socialisation des islandais qui s'y retrouvent après le boulot, tchatchent pendant des heures ... C'est vrai que s'y on pouvait y rentrer ses bouteilles de pinards, ça serait le paradis ...
Je retourne ensuite au camping qui est juste à côté (il y a 11 piscines rien qu'à Reykjavick, ce qui laisse l'embarras du doigt). Je me pose un peu pour taper ces quelques lignes sur la "sorcière qui compte" (les islandais n'aiment pas les anglicismes, ils créent donc des mots avec le vocabulaire existant (d'une langue forgée entre le IX et le XIe siècle) et donc "ordinateur" est bricolé avec des mots qui veulent dire "Sorcière qui compte" ou bien "Prophétesse des chiffres". C'est l'heure de la soupe chinoise, je vais voir si je chope du wifi pour envoyer ça, et ensuite dodo à 22h, demain réveil mis à 5h (même si le soleil ne se couchera pas vraiment d'ici là).
Mardi 19 Juillet
Après moult péripéties que je vous épargnerais (sachez seulement qu'elles impliquaient des zombis nazis, des pinguins bioniques, un ours blanc et le KGB), je prends enfin mon bus pour la péninsule du Snaefellsnes (c'est les trois premières syllabes les plus dures à prononcer, après ça va). Dès la sortie de Reykjavik, les paysages majestueux s'enchaînent. L'eau est partout en Islande, que ce soit la mer (on longera la côte durant tout le trajet), mais aussi les innombrables cours d'eau, et des cascades en ce début de voyage, qui strie les collines vertes de cette humidité. On retrouve d'ailleurs le vocable suffixe « foss », cascade, sur pleins de noms sur les cartes. On changera de bus deux fois, chaque fois pour un bus plus petit, à priori la destination n'attire pas les foules. Et pourtant, je me dis pendant ce trajet que je risque de modifier mes plans pour rester plus longtemps dans le coin : colline rouge vif, champs de rochers, colonnes basaltiques, cascades, sommets enneigés, coulées de lave solidifiée ... Un aérage de tronche assuré. En passant par le port de Grundarfjördur, qui donne sur une petite baie enchâssée de sommets, je me dis qu'il faut absolument que j'y passe un ou deux jours, alors que j'avais pas prévu ça du tout. Pareil pour Hellisandur à la pointe nord de la péninsule. Le Snaefellsjökull est omniprésent. C'est le volcan où Jules Vernes situe l'entée qui mène au centre de la terre. On le contourne en longeant la mer.
Au fil des étapes, le dernier petit bus se vide, et je demeure le seul passager d'origine en arrivant à Arnarstrapi. Le temps de planter ma tente, je vais découvrir le bled, minuscule, avec un petit lac où viendraient danser les elfes à la nuit tombée (pas en cette saison donc), un petit port protégé dans une anse et un monument en hommage à Jules Vernes. Mais surtout des falaises déchiquetées et des formations rocheuses assez hallucinantes battues par les flots. Elles sont blanches d'oiseaux, et de leur fiente. Les oiseaux sont très nombreux, de la mouette rieuse au gravelot, en passant par une espèce de buse, et surtout le « kria », une peste noire et blanc au bec rouge qui n'hésite pas à t'attaquer en piquet en faisant « kriiiiiiaaaaaaaaaaaaa » si elle juge que tu t'approches trop de son territoire. Il faut agiter un bâton au-dessus de soi (elles attaquent le point le plus élevé), à défaut, tu agites les bras en baissant la tête. Je retourne à la tente pour mon repas de midi et m'aperçoit que le « camping » est des plus rudimentaire (pas de douches, pas d'eau chaude ..), ça doit être un terrain mis en place par la mairie, chouette, je vais faire des économies. Direction ensuite le bled de Hellnar qui se rejoint par un sentier côtier qui enchaîne les grottes, colonnes basaltiques, falaises, gouffres (et les mouettes). C'est très joli, mais pas d'bol en arrivant, le centre d'infos du Snaefellsnes, qui fournit des indications sur les rando, la météo, les conditions des sentiers pour monter sur le Snaefellsjökull, est fermé alors que j'étais bien dans les horaires.
Tant pis, je retourne à Arnarstapi, j'ai une carte de rando précise et verrais demain pour la météo. Pas de bol bis, en arrivant j'apprends qu'il s'agit d'un camping payant et même plutôt cher (2000 couronnes, soit 14 euros/personne) alors qu'il est tout pourri. Non pas que ça me dérange de pas me doucher pendant 3 jours, mais payer ce prix là pour être crade, ma religion me l'interdit ! Je comptais rester trois jours, du coup je vais rester qu'une nuit et planterais ma tente à Hellisandur. Passablement contrarié, je pars me détendre avec un bouquin prêt du lac aux elfes quand je me tords la cheville et me casse la gueule. Enchaînement, sur le retour, je me prends un coup de bec à l'arrière du crâne par une kria ... A ce stade, je commence à me demander quel elfe j'ai dû insulter sans faire exprès .... D'autant que je viens de lire que la colline qui surplombe ma tente est le Stapafell, où vivrait le Petit peuple ... Forcement, je me manque de chemin pour ma dernière ballade prévue de la journée, et des touristes en bagnole se foutent de ma gueule en me voyant faire kung fu pinguin pour éloigner les kria qui semblent m'en vouloir ... Et en plus, la batterie de mon appareil photo est à plat depuis que je suis arrivé ici .... Une soupe et au lit, vivement demain !
Mercredi 20 juillet
Le lendemain, les traces de la malédiction sont toujours là. Ma cheville est douloureuse et bien enflée, heureusement que j'avais pris une chevillère pour la strapper. En allant pisser, je dois me battre contre deux kria, bordel, ces elfes ont la malédiction balaise. Je renonce à la rando de 8h vers le Snaefellsjökull, histoire de ménager ma cheville, et éviter de me prendre un morceau de glacier sur la gueule vu ma malchance actuelle. Je décide donc de longer les falaises, et sur le chemin, je constate, non sans satisfaction, que les kria s'attaquent aussi aux autres. C'est assez surréalistes ces gens qui agitent leurs bras en permanence au-dessus de la tête ; on croirait que tout le monde est barge. Super soleil, ce qui n'empêche pas de porter une polaire vu le froid, et surtout magnifiques paysages. Entre les falaises qui se jettent dans la mer, les nuées d'oiseaux, la roche noire déchiquetée ou sculptée, la masse du Stapafell et le Snaefellsjökull enneigé en fond, c'est assez grandiose. Les kria semblent bouder le bord de mer, ce qui est heureux, faire des gestes brusques au bord d'une falaise peut s'avérer fatal ... Je bloquerais un moment sur la falaise qui surplombe le petit port, une maison blanche isolée me faisant face, sur fond de falaise et cascade.
Voulant choper la vue sur une photo, je me souviens que l'appareil est en rade, et j'ai la révélation sur le pourquoi du comment de la malédiction. C'est vrai, pourquoi moi ? J'ai été toujours en bons termes avec le Petit Peuple, étant un des rares « adultes » de mon entourage à y croire, je le côtoie fréquemment que ce soit en jeu de rôle ou en rêve et tout s'est toujours bien passé. Vu que tout a commencé lorsque l'appareil photo m'a lâché alors que je shootais les falaises. J'ai surement photographié sans le faire exprès, dans un trou de mouette de la falaise, un elfe faisant preuve d'infidélité avec une femme-oiseau ou une ondine, et depuis il a effacé les preuves en bousillant magiquement l'appareil et en me jetant le mauvais sort. C'est l'explication la plus logique qui me vient à l'esprit. Promis, Olfertuk, je garderais le silence, nul n'en saurais rien en Féérie, mais si tu pouvais lever la malédiction, ça m'arrangerait. Il a l'air d'avoir compris le deal, la matinée s'est déroulée sans accrocs. En attendant le bus pour mettre de la distance entre la loose et moi, une japonaise, qui attend aussi, vient me parler. Elle est poète, vit à Florence et lorsqu'elle apprend que je suis français, elle me répond impeccablement dans notre langue qu'elle a appris il y a 35 ans à Grenoble. Louche, non ? Un elfe ayant pris apparence humaine me semble plus probable. Je lui réponds donc que Sire Olfertuk est quelqu'un d'une grande moralité, qu'il ne faut pas croire les ragots, et que si je pouvais éviter de me prendre un rhinocéros sur la tronche, ça m'arrangerait. Le message a du passé, il ne m'est plus rien arrivé depuis. Au pire, j'aurais inspiré un haïku qui va révolutionner la poésie japonaise contemporaine ...
En tous cas, les 36km qui séparent Arnarstapi de Hellisandur semblent avoir eu raison de la malédiction. Le camping a une belle vue, c'est 1500 courrones la nuit et y a une douche. J'y fonce vu que ça fait 48h que j'ai pas pris une douche (« have fun ! »), puis en cette fin d'aprèm', je vais me balader un peu. Il y a beaucoup d'oiseaux (et pas une motherfucking kria), j'arrive à en reconnaitre à leur cri, notamment une espèce de buse, pardon de bécasse, au chant assez délirant, genre « turlululu » (c'est bon, je peux passer le concours d'ornithologue ?). Une soupe chinoise et au lit (il caille, je dors avec la polaire). J'en profite pour finir « Watsburg », un super roman à base de ville médiévale pleine de vie, de bourgeoisie corrompue, de magie en déclin et de gardes qui essaient de faire avec tout ça.
Jeudi 21 Juillet
Levé matinal pour partir en rando, sur la route à 8h. Vu qu'il y a un vent de sa race et que c'est couvert (on voit pas le sommet du Snaefellsjökull), je décide de me faire la côte. De la roche noire déchiquetée sur laquelle se brisent des vagues, beau spectacle en perspective, dommage que j'ai pas un recueil de Lautréamont à déclamer face à l'océan déchainé. Au détour du sentier, un panneau indique qu'il y avait là un ancien port de pêche. Il en reste pas grand-chose, mais j'apprends que la région était un haut lieu de la pêche islandaise, qui se pratiquait au bateau à rames, voire à voile, et qu'au milieu du XXe, l'industrialisation a fait que ça a déménagé au port d'à côté, Rif, car la côte était trop dangereuse pour les gros bateaux à moteur. C'est vrai que des photos du début XXe montrant comment ils accostaient avec leurs frêles esquifs foutent la trouille. Un peu plus loin, une immense antenne métallique qui s'élance vers ciel. Immense de chez immense, retenue par un système de filins épais comme le bras. Je ne sais pas à quoi elle sert, mais d'après le Lonely, des indiens natifs, ceux qui montent sur les gratte-ciels car peu sujet au vertige, ont refusé de la peindre en rouge et blanc, jugeant la tâche trop dangereuse (en plus y a un putain de vent ici). Ca serait une fille de 18 ans du bled qui l'aurait fait et aurait touché un chèque tel qu'elle a plus besoin de travailler. Un grillage entoure la base, surement pour empêcher les gens bourrés de tenter l'escalade ...
Je continue par la côte, même si je trouve pas le « hiking trail » vu que leurs chemins de rando sont quand même super mal indiqués. Pas de falaise de ce côté, mais bien de la roche noire volcanique (mettez ici un synonymes de « déchiqueté » que j'ai déjà trop utilisé dans ces carnets), battus par les vagues. Parfois des plages, tout aussi noires. Soudain des escaliers s'enfoncent dans le sol, un crâne de dragon les surplombant. Aurais-je trouvé l'entrée secrète d'un donjon ? En fait, il s'agit d'un puit, et d'un os de baleine, super impressionnant. J'aurais dû penser qu'il ne pouvait s'agir de dragon vu qu'aucun reptile ne vit sur l'île (pas de dragon, ni d'homme-lézards ou même de serpent).
En plus du vent et des nuages bas, il commence à bruiner. Trois couches de vêtements, plus k-way, je crains dégun. J'arrive à la plage de « Sharovik », une des rares du pays à être de sable clair. On y a trouvé il y a quelques années la tombe d'un viking, qui n'avait pas des gouts dégueu pour son dernier séjour. Je continue vers « Ondveroarnes », la pointe ouest de la péninsule, toujours hors-piste vu l'absence de balises sur un soit disant sentier de rando. Là quelques bagnoles (feignasses !), mais c'est carrément isolé.
Un phare, un autre puit, et surtout un endroit d'accostage des vieux bateaux de pêche (plus en activité) où tu sens que c'était rock'n'roll, surtout quand y avait un vent comme aujourd'hui (ce qui donne de magnifique vagues se fracassant sur les rochers). Ils avaient creusé un passage pour tirer les bateaux plus haut, histoire justement qu'ils se fracassent pas contre les rochers. D'ailleurs sur le trajet, à quelques endroits, on trouve des morceaux de bois, venant de bateaux naufragés ou « mal garés ».
Il est 12h30 et je décide de faire une grosse boucle vers le sud pour rentrer. Suivant une route de terre, j'arrive à un autre phare d'un orange pétant, qui donne sur une falaise où nichent des dizaines d'oiseaux, qui se jettent au milieu d'une arche. C'est grandiose. J'y bloque un moment, en profite pour bouffer.
Et je continue vers le sud, cherchant toujours un des multiples chemins de randos figurant sur ma carte chèrement acquise. En vain. Au bout d'un moment, j'me dis qu'il va falloir quand même rentrer et j'applique la fameuse technique apprise auprès des gnomes rangers, technique appelée « globalement c'est par là ». A part dans le souk de Marrakech, elle m'a toujours sauvé la mise. Facile à mettre en place ici, c'est très plat, suffit de s'orienter vers le volcan pour retrouver la route, en s'orientant avec les quelques collines d'origine volcanique qui émergent des champs de lave.
Au début, je suis même des caïrn, surement construit pas des gnomes rangers, pour trouver un pseudo chemin, mais rapidement je me rends compte que rien ne ressemble plus à un caïrn qu'un troll pétrifié (qu'un inculte nommera « roche volcanique »). Autre soucis, le fameux « tu parcours en moyenne 5km/h à pied) ne veut strictement plus rien dire quand le sol c'est des champs de lave recouverts de mousse... Faudrait que j'établisse d'ailleurs une unité de mesure distance/champs de lave/mousse/gnome/heure. Pompon sur le gnome, quand c'est plat, les distances te semblent plus courtes... Je me suis pas perdu, un gnome ranger ne se perd jamais, mais j'ai fait quelques détours pour éviter de déranger des elfes et me prendre une malédiction sur la gueule. En dehors de ça, il faut slalomer, parce que y a des endroits où tu peux pas passer (gouffre (oui gouffre pas un simple ravin), rocher escarpé ..). Les champs de lave couverts de mousse c'est beau, mais c'est long.
J'dis pas que pendant ces moments de solitude, tu te retrouves face
à toi-même, une genre d'introspection philosophico-spirituelle. Y en a. Mais
quand c'est vraiment long, au bout d'un moment, je me raconte des histoires,
d'autant plus facile quand il y a autant de trolls et autres créatures
pétrifiés dans le coin (j'ai même vu un pinguin). Franchir 200m escarpés en
galérant, ben c'est maintenant « la traversée de la passe de la
chèvre » (me demandez pas pourquoi, ça m'est venu comme ça). Au bout d'un
moment, je tombe sur un piquet minuscule au sol, vaguement peinturluré de
rouge. Putain, un « hiking trail » ! Comment tu veux les voir
leur putain de bâton de 20cm dans les champs de lave ! Je suis le
« chemin » ridicule avant de le reperde, apparemment ils s'en
branlent de la régularité de leur putains de bâtons ridicule. Je passe prêt
d'un rocher bloquant que je baptise « Grand-Père», surement un vétéran du
Petit Peuple, puis je continue en m'orientant avec l'antenne d'Hellisandur.
Sauf qu'elle est gigantesque, et donc elle est loin ....
Je vous abrège les aventures trépidantes dans les champs de lave couverts de mousse (je suis sûr qu'en anglais ça pète comme titre), suis arrivé à 19h41 précises au camping, soit presque 10h de marche. Une douche, une soupe, un entretien avec la sorcière qui compte et au lit !
Vendredi 22 Juillet
Je sais pourquoi il n'y a que 320.000 habitant-e-s dans toute l'Islande. Chaque année, ils doivent en envoyer en rando dans le Snaefellsness. Une sorte de sélection naturelle. Y a pas une putain d'indication pour les chemins de rando annoncés sur les cartes ! Tu pars pour une rando de 5h, tu reviens au bout de 10h (si tu reviens). Et comme y a pas d'indication de difficultés, ben si t'y vas avec des gosses, tu reviens sans ... Putain, c'est pas compliqué de baliser un chemin de rando, bordel !
Hum, reprenons.
Il a plu toute la nuit, la tente a joué son rôle, 7h30, le ciel semble se découvrir, du coup je décide d'approcher le Snaefellsjökull par l'est. Juste avant la sortie d'Hellisandur, se trouve un parc à arbres. Ben ouais, y a quasiment plus d'arbres sur l'ile vu que les vikings ils ont tout ratiboisé pour construire maison, drakkars et bateaux de pêche. Du coup, y a des tentatives de reboisement hyper-protégées. C'est calme, serein, et sur un espace aussi petit, ils savent faire un sentier... Je continue vers le premier chemin de rando indiqué, que nenni, y a que dalle, du coup, je rebrousse chemin vers une église en hauteur. Le chemin est bordé de magnifiques fleurs bleues, et y a plein de bécasses turlulu. En rejoignant la route de l'église, j'aperçois un panneau avec plein de directions de randos. Sauf que ce panneau est sur un parking d'où aucun, je dis bien aucun, sentier ne part. C'est des pervers ces islandais.
L'église, là-haut sur la colline, le glacier en fond, ça en jette. Elle est fermée, mas à travers les vitraux on voit qu'elle est toute petite, sans chichis, comme la majorité des églises ici. Un panneau m'apprend que c'est la première église au monde à être construite en ciment en 1903 (ça peut servir au Trivial poursuite). Je cherche le « hiking trail » qui partirait d'ici, à priori derrière l'église. Ok, y a le cimetière, j'y entre, les tombes sont à même la terre, recouvertes d'herbes, c'est beau. Pas de sortie à l'arrière du cimetière, pas de crypte secrète, pas de putains de chemin. Je ressors. Aperçois un escalier en bois qui permet de passer par-dessus les barbelés du pâturage, de l'autre côté un piquet jaune. Ah, le début du chemin ? Non, que dalle. Je fais demi-tour.
Du coup, je redescends, direction la route, y aurait un autre chemin vers Rif, le port abrité qui est né après-guerre. J'adore marcher au bord de la route en rando ... Qui dit port, dit fuckink kria ... Je me fais harceler par une 20aine de ces batardes, et je dois finir mon trajet avec le sac sur la tête ... Tous ces détours nous mènent à midi. J'en profite pour bouffer mon sandwich sur les quais, c'est beau, y a une 10aine de petits bateaux de pêche, la jetée est apaisante. Pas une Kria. Par contre pour rejoindre la route et le chemin de rando, je me retrouve avec le sac sur la tronche ...
Y aurait donc un départ après la route qui mène à un petit aéroport, impec (ça fait 4h que je suis parti ...). En fond, deux cascades me fond de l'œil, en chemin un pâturage avec de magnifiques chevaux islandais qui viennent me dire bonjour. Le ch'val islandais a un trot spécifique, qui ne déséquilibre pas le cavalier (toujours pour le Trivial). La rando semble réellement commencer. Sauf que je tombe sur une putain de carrière ! Raaah, kill, kill ! J'essaie de contourner, cul-de-sac d'un cours d'eau ou d'une nouvelle carrière. Je fulmine quand je me dis qu'un gnome ranger ferait qu'une chose dans ces conditions, un coup de « globalement, c'est par là » !
Je galère un peu vu qu'autour c'est des hautes herbes gorgées de flottes (hum, les pieds qui baignent dans des chaussettes trempées ...), monte à l'arrach' et tombe au pied de la grosse colline que je voulais atteindre. Paraîtrait qu'un chemin en fait le tour ... Je vois bien un piquet vert (dans l'herbe, c'est pratique) et en trouve deux autres, puis plus rien. Tant pis, globalement c'est par là. Par contre ça en jette, un imposant cours d'eau traverse le paysage, longeant la crosse colline (Burfell de son petit nom sur ma carte). Je m'engage sur un chemin de chèvres à flanc assez casse-gueule. Ca correspond, globalement, au chemin indiqué sur la carte, mais y a aucun balisage, et pas besoin de la Vologne pour te débarrasser de ton gosse, ici tout le monde pensera à un accident. Ca en vaut le détour, derrière Burfell, cascades, arches, glacier, les flancs de la montagne sont striés de cours d'eau. C'est magique.
Pause de 16h (et oui déjà) pour le goûter devant ce paysage magnifique. Je continue, hésitant entre plusieurs chemins de chèvres, puis tombe sur un lac d'altitude avec des cygnes. Toujours ce décor grandiose en fond. Raaah, bô. Il est temps de redescendre, tiens j'aperçois un piquet vert, puis un autre, je les suis, faisant un parallèle avec un « hiking trail » sur ma carte. Heureusement que je l'ai celle-là, parce que les piquets s'espacent et qu'avant d'apercevoir le prochain, faut un peu avancer au pif. Je me retrouve sur un plateau caillouteux, plus un piquet. Globalement, c'est par là, j'avance à l'intuition, sauf que j'aperçois un piquet en amont et fait demi-tour. Quel crétin ! A l'avenir, toujours se fier à l'enseignement des gnomes rangers et pas à ce putain d'anti-balisage. Je vais donc galérer entre champs de cailloux où tu risques à tout moment de te tordre la cheville et herbes spongieuses pour alimenter ton jus de chaussettes ...
Plus de piquet, donc je me dirige vers l'église en hauteur, je galère, mais j'y arrive. Par derrière, via le fameux escalier en bois. Et je confirme, y a pas un putain de début de chemin ici ! Je peux rentrer au camping, heureusement je re-traverse les fleurs bleues et les bécasses turlulu. Il est 18h15, ça fait plus de 9h que je suis parti .... Je nettoie mon pantalon imbibé et discute avec un couple de français qui sortent de quelques heures de galère au sein des champs de lave où j'étais hier. On peste ensemble sur l'absence de balises, on crée une confrérie d'investigateurs à la recherche des signes (« hikin »trail'fangh ») et on tchatche ensuite de l'Islande, des randos et des paysages. Ils sont aussi en bus, et me conseillent le stop dans les Fjords de l'ouest. Ils comptent faire les 5 jours de randos dans les fjords, je dis que moi aussi ça me tente mais vu ma cheville et mon sac de 17 kilos, je me tâte. Coup d'bol, le mec est kiné. Il examine ma cheville, confirme l'entorse, me strappe de façon niquel et me conseille de choper de quoi strapper la deuxième qu'il trouve pas terrible. Et me déconseille fortement toute rando avec un sac de 17 kilos ... Mieux vaut continuer à poser tente et sac en camping, et faire des randos d'une journée avec un petit sac. Va falloir que je retravaille mon programme.
Façon, je reste un jour de plus à Hellisandur, demain j'attaque le Snaefellsjökull par l'Ouest, je suis têtu, les paysages sont magnifique, « hiking trail » à nous deux !
Samedi 23 juillet
Un gnome ranger ne s'avoue jamais vaincu. D'autant qu'un plan machiavélique m'est venu. Je vais suivre un chemin de rando, couplé à un chemin équestre. Ca devrait être mieux indiqué, et au pire y aura de la merde de cheval pour suivre la direction. J'vous évite les péripéties, très rapidement plus rien, les chevaux connaissent la piste, le randonneur on s'en tape ... Du coup, j'me fais un globalement c'est par là vers un cratère que j'ai repéré sur la carte (avec un hiking trail officiellement ...), nouveau jus de chaussettes vu qu'il a plu cette nuit et que je coupe à travers les herbes hautes. Quoi qu'il en soit, le paysage vaut le coup, même si c'est très couvert, avec le petit crachin qui va bien. Au bout d'un moment, je repère un caïrn qui me remet sur une piste qui évolue à travers les champs de lave. Avec la brume, ça en jette.
Au bout de 2h, le chemin rejoint une piste de 4*4 (feignasses !) au pied du cratère-cible. Là un panneau indique une petite balade sur la crête. Balade qui est balisée par un piquet roue tous les 50-100m ! Vous voulez rire (moi j'ai pleuré), ce chemin est même pas indiqué sur ma super carte de rando .... Autre détail « amusant », sur le panneau il est écrit que le chemin que j'ai emprunté pour venir jusqu'ici est « unmarked » ...
Par
contre ça vaut le coup, un vert cuivré côtoie le jaune et le noir, avec un
autre sommet en fond. Puis du haut, on a une vue dégagée sur une bonne partie
de la péninsule, striée de cours d'eau et de champs de lave. C'est bien
bloquant, et du coup j'enchaîne sur une jolie petite cascade avant de rentrer
vu que je compte choper le bus de 16h. Evidement, je paumerais la piste à un
moment et reviendrais pas loin des champs de fleurs bleues avec les bécasses
turlulu. Pas le temps de faire sécher les chaussures et chaussettes, je démonte
la tente, direction Grundarfjördur. Je suis partie « à la
marseillaise », oubliant de payer ma 3e nuit de camping ...
C'est toujours le même chauffeur de bus, et pendant que je mets mon sac à dos dans la remorque, j'essaie de prononcer la direction, ce qu'il aura du mal à comprendre ... On se prend un bel orage sur le trajet (jusque à j'ai eu du bol, que de la bruine en rando), et j'arrive à ce mignon petit port au cœur d'une baie. J'ai repéré des tentes par le bus et me dirige par là. C'est tout petit, une dizaine de tentes ultra-serrées, que des jeunes. Tant pis, j'commence à déballer ma tente quand deux adolescentes se précipitent vers moi, en disant que c'est privé. Ok, ça doit être une teuf post-bac ou un truc comme ça je me fais indiquer le camping officiel et plains un peu les parents quand ils vont retrouver la maison ... Je continue dans la rue, et y a plein de trucs kitsch en bleu sur les façades, des bonbons, des monstres ... Ca doit être un espèce de carnaval. J'arrive à la piscine, vu que le camping est à côté, je monte ma tente et vais faire un tour vers le port, en chemin je traverse une rue, où cette fois les décorations sont vertes, avec des grenouilles, des dragons ...
Le port est petit, donne sur la baie, avec une belle colline verte et terre en fond. Y a aussi une scène de montée et plein d'animations gonflables pour les gamins. La thèse de la fête de village se précise, j'espère que y aura pas trop de boucan au camping (papy a besoin de repos pour randonner sa race). Je longe la mer et tombe sur un camping sauvage avec pleins de jeunes entre 16 et 20 ans à tout casser, qui commencent sérieusement à s'imbiber à la bière. Le côté ouest de la baie est fermé par un majestueux sommet, le Kirkjufell (église-montage). Le cadre est parfait.
Je retourne au camping me faire ma
soupe chinoise du soir, constate qu'il y a de plus en plus de jeunes avec des
bouteilles de bières dans la rue et quand je redescends en ville (enfin, c'est
tout petit, hein, même pas 1000 habitants), j'aperçois un cortège de gens
habillés en jaune, avec des drapeaux jaunes (la CFDT locale ?), des
chapeaux pointus jaunes, des déguisement à la con jaunes .. Avec en tête un mec
habillé en jaune qui hurle sur la sono d'un camion. A priori c'est pas « retrait
de la loi travail » qu'il dit en islandais le monsieur. Et en fait, des quatre coins du
bled convergent quatre cortèges (jaunes, bleus, rouges et verts) où y a un défi
de « tak ». Je me mêle aux rouges par atavisme, et tout le monde se
dirige vers le port, où y a discours, puis divers spectacle (duo folk rigolo,
chorale des enfants ...). Du coup je
retourne au camping pour lire « La fin des punks à Helsinski », un
roman sur des punks d'Europe de l'Est avant/après la chute du mur (merci Sofia
et Judi pour le cadeau). Bien évidemment y aura de la musique jusqu'à 3h du mat'
mais avec les rando que j'ai dans les pattes, ça m'empêchera pas trop de
dormir.
Dimanche 24 juillet
7h du mat', il pleut fort, je me rendors, pareil à 8h, de même à 9h, je bouquine sous la tente en me disant qu'à ce rythme je vais passer la journée au café en attendant le bus. A 10h, accalmie, je sors de la ville vers l'ouest, du côté du Kirkjufell qui effectivement en jette, je continue et tombe sur une belle double cascade. Pour la suite, vu qu'il n'y a pas de haking trail, je suis obligé de longer la route dans le bas-côté, au milieu des herbes imbibées d'eau (un jour, j'aurais de nouveau des chaussures sèches ...).
Je prends un
premier sentier qui s'enfonce vers la côte, j'y vois le Kirkjufell sous un
autre angle, avec pas mal de chevaux en prime. J'évite une attaque de kria avec
la fameuse technique du sac sur la tête avant de devoir rebrousser chemin pour
cause de propriété privée (c'est le vol !). Je continue sur un bord de
route, avant de pouvoir faire de même autour d'une autre colline. Alors que j'avais
commencé la marche sous la bruine, je finis en tee-shirt. Coup de barre à un moment,
je fais demi-tour. Je vais rester finalement un jour de plus pour pouvoir
explorer du côté est.
Bien crevé en rentrant au camping, et du coup, je m'offre une piscine ! Façon y a pas de douche au camping, j'aurais au moins l'argument sanitaire pour cette débauche de luxe (600 couronnes, à peu près 4 euros). Même si ça n'a rien à voir avec Reykjavick (façon j'ai absolument pas envie de me faire des longueurs), je plonge dans le hot spot le moins chaud et je fond. Raaaah. Envolées les douleurs aux muscles, j'iguanise. Je fonds tellement que lorsque je me lève pour aller au 2e hot spot, j'y arrive tout d'abord pas, tout ramollo ... J'y reste deux heures, jusqu'à la fermeture, avant d'aller au Saga Center qui fait café avec wifi, histoire de me reconnecter à la civilisation avec un chocolat chaud (après cette débauche de luxe, promis je redeviens straight dans les prochains jours). J'apprends que le village est jumelé à Paimpol et qu'un premier village avait été construit par des pêcheurs français il y a longtemps et qu'ils ont tout redéménagé en France (y compris les morts du cimetière) en rentrant.
lundi 25 juillet
Levé tôt pour pouvoir randonner et choper le bus de 16h. Je pars cette fois vers l'ouest, histoire de me faire une de ces péninsules dans la péninsule (la côte est très morcelée par ici). Comme souvent, je suis obligé de longer la route pour aller jusqu'au point qui m'intéresse. Depuis une semaine, je suis le seul à faire ça, ce qui veut dire que la plupart des touristes dans le coin ont loué des bagnoles (ce qui semble approprié à la région). Du coup, les islandais ont pas forcement l'habitude, mais j'ai mon k-way orange vif et me mets en retrait de la route quand je vois arriver des bagnoles. Sinon, quand c'est trop chaud, je marche dans le bas-côté, hautes herbes et jus de chaussette assuré. Au bout d'une heure et demie, j'arrive enfin à ma mini-péninsule et peux donc y aller plus sereinement (sauf à deux reprises où je devrais me mettre le sac sur la tronche, histoire d'éviter des piquets de kria ....).
Belle vue sur le Kirkjufell en face de la baie, même si le sommet est sous la brume, omniprésente ce matin. Au bout d'un moment, il y a un golf, assez incongru comme rencontre, un aéroport qui semble abandonné, un bateau surmonté d'une croix à flanc de colline, quelques fermes, parfois la montagne a des reflets or, se mêlant au vert et à la terre. Je croise des chevaux, des vaches mais pas d'humains. Au final, je mettrais 4h pour faire le tour, et effectivement en matant la carte, c'était pas une petite péninsule, que dis-je, un cap ! Du coup, un peu juste pour le bus, mais je tiens le rythme sans faire de pause repas, et avec des gaudasses noyées. Démontage de tente (2e nuit payée « à la marseillaise »), puis départ en bus pour Stykkisholmur.
On passe devant les mêmes paysages magnifiques qu'en début de semaine (dont la fameuse colline tronquée rouge), j'aurais bien aimé venir y bloquer, mais sans bagnole pas possible. Champs de lave impressionnant, couleurs bloquantes, le trajet est un ravissement. Le bus nous lâche à la station service en début de bled, le camping est à côté, en fait géré par le golf qu'il jouxte. Plein de préjugés de classe, je vais mater les tarifs avant de planter la tente, c'est le moins cher jusqu'à présent (enfin, sans compter mes auto-réductions). Je descends en ville (c'est le bled le plus grand de la région avec 1100 habitant-e-s ...), style village de pêcheurs, apaisant.
J'en profite pour passer chez Bonus refaire mes stocks de pain et me prends quatre Skyr pour les petits dejs à venir (slurp). En passant devant la piscine, je vois qu'elle ferme à 22h en semaine, je crois savoir ce que je vais faire demain soir ... J'arrive sur le port et vais m'acheter un billet pour le ferry Baldur (« vise les yeux, Bouh ! ») qui relie Stykkisholmur à Brjanslaekur dans les Fjords de l'Ouest. Le port est relié par un pont à un petit îlot tout en hauteur qui offre une vue panoramique bien bloquante. Le fjord qui nous sépare des fjords de l'ouest est parsemé d'une myriade de petits îlots, et en se retournant la vue sur Stykkisholmur vaut le coup. Je resterais un moment sur place, avant de retourner au camping pour une lessive, une douche, une soupe chinoise, ces dialogues avec la sorcière qui compte avant bouquinage et dodo.
Mardi 26 juillet
Dans toute Saga qui se respecte, après une partie où le héros suit un parcours initiatique pleins d'épreuves pour s'affirmer, genre des putains de sentiers pas balisés, arrive le passage où il parcourt le monde, découvrant l'ailleurs en même-temps que lui-même. Et comme les longues descriptions à la Tolkien ou les états d'âmes à la Thomas Mann, c'est pas ma came, la suite sera moins verbeuse.
Ainsi donc, notre héros, pardon, je, me lève pas trop tard pour aller rendre hommage au Helgafell, mont sacré de Thor, où chaque islandais devait faire un pèlerinage avant sa mort (mais vu qu'à l'époque, ils balisaient leur chemin avec des caïrns, ils ont aucun mérite, ces branleurs). Comme à chaque fois, obligation de longer la route, même pas un chemin de traverse spongieux. Je laisse la mer derrière moi, et fait face aux sommets verts et jaunes, toujours couverts de brume, de la péninsule. Après plus d'une heure, j'approche du Helgafell, pas très élevé, il borde un lac, l'endroit dégage. Je relis les consignes (ne pas parler pendant l'ascension, ne pas se retourner, faire son vœux face à l'est) et commence à monter.
Je croise des gens venus en bagnole
jusqu'à la base du Helgafell (feignasses), les salue poliment sans ouvrir la
bouche (si c'est un piège ...). Une fois en haut, magnifique vue dans les quatre
directions, que ce soit la côte avec ses myriades d'îlots (déjà sorti cette
expression mais c'était hier, donc ça compte pas comme une répétition) ou les
montagnes multicolores. Je me tourne vers l'est, me concentre et fais mon vœux.
Et là putain, en rédigeant ces lignes, je me dis que l'est c'était pas
forcement vers là où j'étais tourné. Raaah le con ! Sans me rendre compte
de ma potentielle bourde, je rentre à Stykkisholmur après un détour dans les
terres.
Après une bonne soupe au potiron (oui je n'ai pas que des soupes
lyophilisées yum-yom à 98 centimes, j'ai aussi des Knorr à 1,50 euros, je
m'embourgeoise), je vais m'acheter une 2e chevillère pour renforcer
celle dans le moins mauvais état, retourne au port, puis monte sur les hauteurs
(relatives) visiter la Bibliothèque de l'eau (des colonnes contenant l'eau des
glaciers) qui se révèlera fermée et l'église futuriste, avec ses dizaines
d'ampoules pendus au plafond et son tableau de vierge à l'enfant bien psyché.
Via le spot wi-fi du camping, j'organise la suite et m'aperçois qu'aller à la falaise de Latrabjarg (squatt de 14km pour des milliers d'oiseaux dont des macareux, des pingouins tarda et autres) est bien au-delà de mon budget (100 euros de trajet que pour aller là-bas), et réadapte mon parcours dans les Fjords de l'Ouest. C'est ça d'être un viking du clan des Smikar ... J'irais noyer mon dépit pendant une heure et demi à la piscine (et pas qu'en larvant dans les hot spots face aux montagnes, en faisant des longueurs aussi, un peu).
Après
des tests dans divers hot spot, j'en conclus que pour moi l'idéal c'est 36-38°,
39-42°, ça va un moment, mais juste en transition. A priori l'eau du coin est
riche de plein de minéraux, elle sort de terre à 86° ... Je ne partirais que lorsque, répondant à deux
gamins qui me demandaient d'où je venais, enchaîneront pour ma parler du match
France-Islande de l'Euro. Une soupe vietnamienne, écriture de carnets, punks au
Helsinki et au dodo. Ah, pour répondre à une question de Jean-Pierre Liégeois,
un jeune lecteur du Var, il fait au maximum 14° en journée, et bien moins la
nuit.
Mercredi 27 juillet
Je quitte ce matin la péninsule du Snaefellsness pour les Fjords de l'Ouest. Je réunis mon groupe avant d'aller plus loin et franchit la Porte (d'embarquement) de Baldur, le ferry qui fait la jonction. De taille moyenne, il est plein de français. Bon plan, une fois que t'as acheté ton café, c'est à volonté, mauvais plan, pensant choper un croissant pas cher, je tombe sur un truc fourré à la crème et au jambon de bon matin, heureusement que je ne crains pas le mal de mer.
On sort du port de Stykkisholmur, pour traverser le Breidafjördur qui héberge des myriades d'îlots (pas utiisé aujourd'hui !) de minuscule à pas très grand. Y a un vent de sa race, je crains pour le camping dans le nord ... Après 3 cafés (soit 1h), on accoste à l'île de Flatey, étape d'une partie des passagers. Ce fût un grand centre monastique, avec une bibliothèque fort courue au Moyen Âge mais là il en reste pas que dalle des abbayes, c'est plat et y a un putain de vent qui me fait plaindre d'éventuels campeurs.
Un peu moins d'une heure plus tard, on accoste à Brjanlaekur, et là je m'aperçois que sur la centaine de passagers, on est que trois à pas avoir de caisse et chercher un bus, qui aurait dû attendre les passagers. Je vais demander au café (façon y a que ça, c'est pas un bled), la taulière a un putain d'accent, déjà que je suis mauvais en anglais, je capte pas grand-chose à part « Winter is coming », mais je veux pas qu'elle me spoile la fin de la série. Du coup, quand les deux suisesses me demandent, je leur dis qu'on va tous mourir de toute façon. Elles ont l'air de mieux se débrouiller en anglais que moi, je boude, je vais faire du stop quand le bus que la taulière a appelé suite à ma demande (ah !) déboule. Je flingue mon smic avec le trajet (y a qu'une seule compagnie privée qui assure les bus inter-villages dans la région). On est que quatre, la location de 4*4 (toutes les routes ne sont pas goudronnées) a de beaux jours devant elle. Je sympathise avec un suisse avec un sweat « Rise against », on est entre gens de bonne compagnie. Il va se faire le trek de 5 jours dans le Hornstrandir, une péninsule des fjords inhabitée.
Les paysages tuent leur race. Déjà, y a de la neige pas si loin, mais
ces plongées dans les fjords ont impressionnantes. Ces langues de terre qui
enserrent des bras de mer, avec toujours une grande variété de couleurs. On
fait une pause à Dynjandi, une majestueuse cascade de 60m de haut, qui se
continue en plusieurs chutes d'eau. Le nom signifie « Bruit de
tonnerre », vu le boucan. Face à ça, on se sent tout petit (phrase à
écrire absolument dans tout carnet de voyage qui se respecte).
On continue notre périple dans ces paysages magnifiques et on arrive à Isafjördur dans le nord (des fjords de l'Ouest). Sur le chemin, on voit un super camping au pied d'une cascade, mais putain, il est à 5 bornes du centre-ville. Avec le sac de 17 kilos et mes chevilles en vrac, gargl ... A l'office du tourisme, on nous indique un autre camping, ouf. Bon, il est moche et pas loin de la décharge, mais on est prêt. Isafjördur est la principale ville de la région, avec 3000 habitants c'est même une mégalopole à l'échelle de l'Islande. Au bout d'un fjord, l'emplacement est magique. Ville de pêcheurs, elle a longtemps accueilli les baleiniers norvégiens, elle possède un port petit mais fourni. Très agréable à vivre.
A peine ma tente montée, je retourne à l'office du tourisme, pour
connaître chemins de randonné et horaires des bus. Dépité, j'apprends qu'il n'y
en a pas pour Dupavik (où y a le centre de recherche sur le renard arctique).
Par contre, y en a pour les deux petits villages où je comptais squatter, mais
pas le week-end. Va falloir que je m'organise, d'autant qu'il n'y a pas des bus
tous les jours pour Holmavik, ma dernière destination avant le retour à
Reykjavik. Et vu que des Holmavik-Reykjavik y en a pas non plus tous les jours,
ça m'a demandé toute une gymnastique mentale pour préparer la suite du périple.
En visitant la ville, je tombe sur la bibliothèque municipale, au milieu
d'un parc avec un monument en hommage aux marins morts en mer. Elle est
absolument géniale toute mignonne, pleins de petites pièces selon les thèmes
(et le classement Deawey, faut pas déconner), des peluches dans le rayons,
enfant, à l'étage une expo sur une maison islandaise du Moyen Âge. Je pars
ensuite faire une ch'tite ballade hors de la ville (mes guibolles n'ont pas eu
leur dose du jour), et là, ô joie, y a un sentier pédestre qui longe la route
qui longe la mer. Tu vas voir qu'ils balisent leur hiking trail aussi ! Du
coup, je marche une heure, et à la sortie du fjord, j'ai une vue magnifique sur
le Hornstrandir juste en face. Il est tard, je rentre au camping, pour réviser
ma carte de randos du coin avant la soupe, le Helsinki et le dodo.
Jeudi 28 juillet
Réveillé par le froid cette nuit. J'ai ajouté un 2e pantalon et mon sweat sur ma polaire ... Le matin, je me fais un café, j'ai toujours des réserves de gaz vu que j'avais chopé chopé deux cartouches de gaz au camping de Reykjavik (y a un coin dans le camping où tu peux laisser des trucs en récup avant de reprendre l'avion). Je me mets en route, j'ai ma carte de chemins de rando chopé à l'office du tourisme.
J'en choisis une un peu ambitieuse qui monte haut pour avoir vu sur un autre fjord. Je sors de la langue de terre où s'étire Isafjördur, et commence à monter, et ô surprise voit un panneau symbolisant deux randonneurs et un chemin. Je le suis jusqu'au camping en dehors de la ville (le joli) puis commence l'ascension, en longeant une cascade, toujours en suivant un chemin (enfin là ça monte sévère) balisé. En haut magnifique vue sur le fjord d' Isafjördur. De là, je continue à grimper, pour l'instant y a une route de terre.
Là, je sens mes lecteurs qui décrochent, pas d'aventure, pas de galère, c'est nul ! Je vous rassure, quand il aura fallu continuer sur le « hiking trail unmarked but visible », ben il était autant visible qu'un mec du PS de gôche ! Du coup, j'embraie sur un « globalement c'est par là », façon c'est super beau, je suis entre deux sommets, de la neige à mon niveau. J'aperçois, un caïrn, impec. Sauf que leurs caïrns, globalement, ils t'en mettent un au début d'un champ de pierres casse-cheville, et un autre à la fin. Entre les deux, démerdes toi ! Et que ce soit pas stable, coupé par de l'eau ou de la neige, c'est pas leur soucis, façon y a rien de tracé ...
En direct du Centre de Recherche Islandais des Cartes de Randonnées Intuitives (C.R.I.C.R.I)
- C'est quoi ce sentier sur les hauteurs d'Isafjördur ?
- C'est le grand-père de mon grand-père qui en parlait. Une vielle légende, un sentier visible seulement les soirs de pleine lune si on avait bu le sang d'un bouc noir.
- Ok, je mets donc "Unmarked but visible"
- Hahah, t'es con Louisdefunesson !
Du coup, je prendrais pas mal de temps, à traverser la zone, ne prenant pas de risque vu l'état de mes chevilles. Je déboule de l'autre côté, rejoins ce qui ressemble à une piste (entrecoupée de passage neigeux ou de cours d'eau de neige fondu à contourner vu que si tes godasses prennent l'eau, c'est direct l'amputation vu le froid). Je m'en sors enfin, et là, vue grandiose sur un autre fjord, entre les falaises majestueuses qui l'entourent et le plongée vertigineux, ça coupe la chique.
Soucis, la suite de mon programme, vu la carte, doit monter dans un
trucs caillouteux qui baignent dans la brume. Et pas du genre éthérée la brume,
de l'épaisse. Du coup, la seule option est de prendre un autre chemin qui,
globalement, ne va pas dans la direction qui m'arrange, mais globalement pas du
tout ... Tant pis, je joue la sécurité, et après un long détour, qui passe par
des caïrns qui t'orientent dans des endroits casse-gueule, j'arriverais à
retourner à Isafjördur, en mettant 9h au lieu des 6h prévues ... Bon, vu la
beauté des paysages, ça va, mais ce n'est pas ici que je vais me réconcilier
avec le balisage des chemins de rando islandais ...
Complètement crevé, je me fais péter une piscine (elle ferme à 9h), plutôt décevante, petite, en intérieur, avec un seul hot spot. Y a pas grand monde d'ailleurs. Mais j'y resterais tout de même jusqu'à la fermeture, histoire faire quelques longueurs et squatter le hot spot, façon y caille trop dehors !
Vendredi 29 juillet
Envie de pisser à 2h du mat' quand il y a un vent de sa race et des températures de malade. C'est aux épreuves qu'il affronte qu'on reconnait un héros. Niveau thermomètre, c'est du 8° prévu aujourd'hui, en journée, hein .... Je m'équipe de mes diverses couches de vêtements, avant de partir, cette fois vers l'exterieur du fjord. Il faut que je fasse gaffe à pas me paumer ou galérer, j'ai un bus à 17h et une tente à démonter avant. Face à moi, la péninsule impressionante du Hornstrandir. Je suis la route un moment, avant d'entrer dans un petit bled et bifurquer vers l'intérieur des terres. Je suivrais un chemin de terre, remontant une petite vallée, encadrée par deux falaises. Le chemin suit une rivière, et j'aboutis à une cascade avec une belle vue, entre mer et montagne. Vu l'horaire, je ne poursuis pas, même si après, il n'y a plus de chemin balisé et que ça, c'est ma came.
Je me pose une heure à la bibliothèque, au chaud, pour taquiner du bidulnet. Le lieux est toujours aussi agréable. Puis démontage de tente sous un vent de sa race, pliage à l'arrach' et bus pour Sudureyri, un village de pêcheurs. J'espère que je m'y plairais, il n'y a pas de bus pendant le week-end, j'y suis jusqu'à lundi matin. Même si ce n'est qu'à 20 bornes de Isafjördur, le village n'a longtemps été accessible que par la mer. Il y a une 20aine d'année, un tunnel de 5km a été percé, ce qui facilite les transports. Il appartient à la même commune que Isafjördur, du coup c'est le prix d'un billet de bus intra-urbain, 350 Kr (2,5 euros). Sudureyri se situe sur le 66e parallèle, le créateur de la marque 66° North en est originaire.
Sur le parcours, je reconnais le fjord que j'avais aprçu hier depuis le sommet où je m'étais retrouvé. Sudureyri se trouve à l'embouchure d'un fjord de plus de 10km. Et c'est vraiment magnifique comme trajet. Et lorsqu'on arrive, la claque, un petit port dans un écrin magique (on peut utiliser le terme "écrin" une fois dans un carnet de voyage, pas deux pour ne pas tomber dans le mauvais goût). Lorsque je demande le camping au chauffeur, un vieux monsieur présent dans le bus (les habitants vont faire leurs courses au supermarché d'Isafjördur) se propose de m'y accompagner. Et là, nouvel émerveillement, c'est au bord de l'eau, vue grandiose, et je suis seul. En plus d'après le Lonely, c'est gratos. Je plante ma tente, un vol d'oiseaux blancs me salue.
Il est tard, mais je m'en vais explorer un peu. A la sortie du bled, une jetée et des palangres (ils pêchent à l'hameçon), dun côté le large, de l'autre le fjord, c'est beau. Je décide d'aller à la pisicine, passe devant des panneaux qui expliquent la démarche écolo de la pêche, de l'utilisation des déchets, de la géothermie, et m'aperçoit que la piscine ferme alors qu'il n'est que 19h (seule faute de goût de ce village). Du coup, je vais lire à côté de la tente, un mec vient me faire payer le camping (bravo le Lonely ...) et je me fais une soupe aux poissons pour rester dans l'ambiance. Je profite de mon spot exceptionnel pour terminer "la fin des punks à Helsinski", beau roman nostalgique.
Samedi 30 juillet
Levé tôt pour cause de grosse rando prévue. En sortant du villae, je tombe une nouvelle fois sur un de ces batiments qui sert à à faire sécher le poisson (pas en été, évidemment). Puis plus loin, sur une usine de récupération des déchets de poissons, ça sent aussi fort que mes chaussures de rando, c'est dire. Je sors de l'embouchure du fjord, continue en suivant une route de terre avant de bifurquer vers l'intérieur des terres comme indiqué sur la carte. Je traverse une ferme où je sympathise avec le chien, avant de continuer en suivant une rivière. En fond, une cascade, et deux falaises, parait qu'il y a un passage pour monter dessus.
En attendant, le chemin soit disant balisé ne l'est plus et je dois trouver un guet pour traverser la rivière. Un coup de globalement c'est par là, et puis débrouillage dans un champ de rochers. Je retrouve enfin le fameux sentier balisé, des piquets d'un autre âge, la peinture délavée et surtout les 3/4 sont à terre ou bien cassés ...
En direct du C.R.I.C.R.I. :
- Quelqu'un a des infos sur le sentier balisé prêt de Sudureyri ?
- Ouaip, c'est le vieux Perefourasson qui a fait ça y a 15-20 ans.
- Et tu penses que les piquets sont toujours en debout ?
- A mon avis, son piquet au vieux Perefourasson, il est plus debout depuis longtemps !
- Aaha, t'es con Louisdefunesson !
Sur ce j'arrive à la cascade, croisant seulement des moutons dans ce paysage apaisé. Et là, je cherche comment monter, aucune indication, que dalle, le dernier piquet ne donnant sur rien, même pas l'ombre d'un début de chemin. Le soucis, c'est qu'un globalement c'est par là, c'est une montée à 45% minimum dans des éboulis ... Taïaut, rien ne fera reculer un gnome ranger. Bon, j'en chie grave, maudissant ces cartographes islandais. Arrivé en haut, je tombe sur un caïrn avec une croix, sur un plateau désertique, balayé par un vent violent. Je suis doonc bien sur la falaise du fjord, des caïrns imposant indiquant la direction à suivre (comme quoi, quand ils veulent...).
Peu à peu, le fjord suivant se dévoile, et c'est magique. J'arrive au bout du plateau, un (long) chemin serpente vers le bas. La vue est à couper le souffle, mais ça fait plus de 4h que je suis parti. Tant pis, je commence à descendre, pas de risque d'être surpirs par la nuit. Le chemin sera évidemment coupé par la neige, se perdra dans un champ de rochers, mais arrivé en bas, le spectacle vaut largement les efforts, d'autant que j'aperçois un bled un peu plus bas. Par contre, je renonce à le rejoindre, ça fait 6h que je marche, et y a le retour.
Le chemin qui descendait, ben il monte sa race maintenant. Je retraverse le plateau au caïrn, et là depuis le premier, j'aperçois un sentier qui descend. Il était bien caché, mais si je peux m'éviter les éboulis, je préfère. Et là, au bout d'un moment, le sentier il fintit dans la neige. Pas un petit plateau facile à contourner, non, rien à faire, du coup, je dois me refaire les passages casse-gueule en descente ....
En direct du C.R.I.C.R.I.
-Vous êtes sur pour le sentier là sur les falaises de Sudureyri ?
- Ouaip, il date de 1932.
- L'année la plus chaude du siècle ? Il doit être perdu sous la neige alors !
- Pas grave, avec le réchauffement climatique, il va réapparaitre dans une vingtaine d'années. Pas besoin de modifier la carte.
- Ahaha, t'es con Louisdefunesson !
Une heure après, j'en sors enfin et retrouve le chemin aux piquets affaissés (que je redresse consciencieusement). J'ai encore du chemin à faire, mais les plans galère semblent derrière moi, je profite donc du paysage. Sauf que ce chemin mène au final dans une autre direction, du mauvais côté de la rivière, alors que les piquets sont les mêmes que le bon chemin, je dois faire demi-tour, je trouve pas de guet, donc je déchausse, elle est évidement glaciale, les moutons apprennent des expressions typiquement marseillaises ...
En direct du C.R.I.C.R.I.
- Et il est devenu quoi au fait le vieux Peredefourasson ?
- A la fin, il était toujours bourré, il prenait ses piquets et balisait n'importe comment, dans des directions opposées, etc ... Ils ont dû le mettre au placard, à la péninsule du Snaefelness, là-bas il pouvait pas faire de conneries, ils balisent que dalle.
Ca fait un moment que je marche, la fatigue se fait pressante. J'arrive enfn à la ferme du début, le chien vient jouer avec moi et m'accompagne un moment. J'aperçois l'embouchure du fjord de Sudureyri avec une superbe lumière. J'arrive au camping, ça fait douze heures que je suis parti, une soupe poireaux-crevettes (les pêcheurs, tout ça ...), la sorcière qui compte, et je sens que je vais m'endormir comme une masse (mes jambes me lancent affreusement et la piscine était déjà fermée à mon retour).
Dimanche 31 juillet
« Après avoir affronté divers périples, le héros de la Saga atteint le bout du monde et la sérénité. »
Je me lève les jambes légèrement douloureuses, le ciel est couvert et il caille. Du coup, je me fais un café en continuant « The City and the City », un roman uchronique et paranoïaque du toujours excellent China Mieville. Je suis planté devant ma tente, face aux eaux du fjord, il y a pire comme spot de lecture. Le temps ne s'arrangeant pas, je décide d'aller à la piscine qui ouvre à 11h. On est pas nombreux à cette heure-ci, je commence par des longueurs. La piscine se remplit, la plupart allant aux hot spots, sans passer par la case « je travaille mon corps de rêve ». Ils tchatchent, se prélqssent et mangent des glaces en buvant du café. Je vais me poser au hot spot le moins chaud, et m'aperçois qu'il y a café à volonté. Belle vue sur les montagnes, un café, la détente. D'autant que je vais faire ce que je n'ai jamais vu faire dans un hot spot (et qui me parait pourtant évident), sortir mon bouquin.
Nuages noirs, froid et fatigue vs bain chaud, bouquin et café, je coupe court au suspens, je suis entré à 11h45 et suis sorti à 18h45 ... J'ai quand même régulièrement fait des pauses « longueurs », histoire de faire travailler mes muscles avant de me prélasser de nouveau. C'est dimanche, et tout le bled va défiler à la piscine, lieu de socialisation autant que de détente. Très peu de nager, beaucoup pour se prélasser dans les hot spot pendant que les gamins s'amusent. Beaucoup de chose à dispo en plus du café : lunettes de natation, bouées et jouets pour les enfants (des canards aux bateaux en passant par des boudins flottant). Y a toutes les générations, une bande de 25aires tou-te-s tatoué, dont un mec avec un calendrier maya sur l'épaule. Je ressortirais de là bien plus en forme qu'en y entrant. Vu qu'il me restait une soixantaine de pages, je les termine devant ma tente, avant d'achever ma dernière soupe chinoise (je m'étais nourri seulement de café jusque là). Demain levé à 6h30 pour cause de bus, so dodo dans pas trop longtemps.
Lundi 1er août
J'attends mon bus au bout d'une rue de Sudureyri (il y en a deux ...). Arrivé largement en avance, j'attaque "Les nuits de Reykjavik, la première enquête d'Erlendur" d'Arnaldur Indridason, une valeur sûre du polar islandais. Au bout d'un moment je sors de ma lecture, il est l'heure et pas de bus. Etrange, ils sont hyper ponctuels. Façon y a degun dans la rue. Au bout d'une demi-heure de retard, j'avise une dame qui sort de chez elle, qui me dit que c'est bien là et normalement bien à 7h25, sous-entend que je suis arrivé en retard ... Vu que le bus suivant est à 16h, je sors un peu du bled pour faire du stop, d'autant que j'ai payé ma 3e nuit à la marseillaise, pas besoin de m'éterniser. Seul soucis pour du stop, c'est un bled de 300 habitants, et la plupart sont pécheurs, ils prennent le bateau le matin, pas la bagnole ... Restent les (rares) touristes, sale race s'il en est. M'enfin au bout de la 3e bagnole, j'ai du bol, un couple de cinquantenaires ricains (Géorgie) s'arrêtent. Ils ne vont pas à Isafjordür mais proposent de me laisser à un croisement à 10 bornes de la ville. On parle de notre séjour, eux aussi pestent contre le non balisage des chemins de randonnées .... Puis ils disent qu'ils sont psychologue et avocat spécialiste du droit du travail, côté worker. Du coup, je me dévoile en tant que syndicaliste, et on tchatche syndicats, grèves en France, etc ... Finalement, ils feront un détour et me laisseront au centre de Isafjordur.
Là, en attendant mon bus de 14h, tour à l'Office du tourisme pour confirmer l'horaire et l'arrêt suite à ma mésaventure de ce matin, réservation pour un autre bus mercredi, lecture dans un parc de l'enquête d'Erlendur parmi les clochards, deambulation et photos du port. J'attendrais mon bus jusqu'à 14h30, rien, nibe que dalle. L'enquête d'Erlendur progresse (j'en suis à la moitié du bouquin), moi je stagne un peu.
En direct du C.R.I.C.R.I.
- Tiens, il est pas là ce matin Louisdefunesson ?
- Non, il fait un remplacement au Z.H.O.B. (Zone d'Horaires et d'Orientation des Bus)
- Ahahha, je me demande ce qu'il va leur faire comme conneries ce sacré Louisdefunesson !
Serait-ce la grève générale insurrectionnelle en Islande ? Je me repointe à l'office du tourisme, histoire de me rencarder et là le mec me dit qu'il avait oublié, que c'est hollydays today et qu'il y a aucun bus ... Bref, jour férié. Je vais planter ma tente au camping d'Isafjordur, mais la journée est bien entamée, plus de rando possible. Du coup, je boude, sort de la ville pour aller au bout de l'embouchure pour terminer mon roman (oui, celui commencé le matin). Puis piscine, faut pas déconner. Au camping, je recroise le jeune suisse sympa qui sort de ses 4 jours de rando dans le Hornstrandir, épuisé mais heureux. Un orage éclate, direction la tente pour la soupe, la sorcière qui compte puis le dodo.
Mardi 2 Août
Il a plu une bonne partie de la nuit et c'est très couvert ce matin. J'attends le bus pour Pingeyri en attaquant mon dernier bouquin "La Terre mourrante", le classique de Vance que j'ai jamais lu. Je compte faire l'aller-retour dans la journée, histoire de pas avoir à démonter/remonter la tente, d'autant que demain mon bus pour le sud part d'Isafjordur. Pas de jour férié, le bus est à l'heure. Et même si le bled est à plus 50 bornes, c'est toujours en tarif intercommunalité, donc pas cher. Comme toujours, le trajet vaut largement le coup, après le tunnerl, on longe des fjords. On fera une halte à Flateyri, le village destination de ma rando de 12h. Pingeyri est aussi un port de pêche, comme Sudureyri. Les arrêts des bus sont toujours au stations-service N1, de là je longe le port, sort du bled et commence à remonter vers l'embouchure du fjord.
Puis, délaissant la côte; je repique vers l'intérieur des terres. Alors que du côté de Pingeyri, les versants sont plutôt verdoyant, de celui-ci c'est aride. Les ocres se les disputent au noir, les formes sont plus tranchées. Le ciel est toujours bas et couvert, mais au maximum il bruine. J'ai pour l'instant toujours échappé aux orages en journée. Je jongle entre diverses routes de terre qui vont vers des fermes, donc pas de "hiking trail unmarked but visible". Je rejoint la côte, la suit pour apercevoir l'embouchure d'un autre fjord, mais doit rentrer car je n'ai qu'un bus retour, à ne pas manquer. J'arriverais en avance à la N1, du coup je m'offrirais le luxe d'un café (je m'embourgeoise).
Trajet toujours aussi beau, d'autant que le ciel est très bas, certains sommets ne sont plus visible. Flateyri est noyée dans la brume. En arrivant, je me pose à la fort mignonne bibliothèque d'Isafjordur pour du bidulnet, puis rentre me faire ma soupe aux poireaux du jour. Le temps alterne entre bruine et éclaircie, ce qui nous vaudra un superbe arc-en-ciel sur le camping (pas trouvé le lepprechaun à son pied). Il est 21h23, ça pleut sévère, me suis réfugié sous la tente.
Mercredi 3 août
Quand je me réveille, il pleut sa race. Du coup bouquinage sous la tente jusqu'à 8h. Puis départ pour une petite rando vers une cascade que j'ai repérée sur la carte. Cette fois-ci pas question de partir en « Globalement c'est par là », j'ai un bus à pas manquer à 15h30, sinon ça va être compliqué pour retourner à Reykjavik à temps (y a pas mal d'endroits des fjords qui ne sont desservis que 3 fois par semaine). En longeant le fjord, j'aperçois un avion qui atterrit sur le petit aéroport de Isafjordur. Il fait un virage serré pas loin de la falaise, impressionnant. Je suis un enchainement de routes de terre, passe devant une église en travaux, m'enfonce dans les terres et tombe sur ma cascade. Le chemin continue, mais j'ai une tente à démonter et un bus à prendre.
Plus de 200 kilomètres séparent Isafjordur d'Holmavik ma destination. Enfin, via la route qui longe la côte, à vol d'oiseau c'est plus prêt. Délesté de plus de 50 balles, je profite toutefois de la beauté des paysages. Longer la côte, ça veut dire suivre le contour de tous les fjords (y a pas de pont pour couper), de l'embouchure jusqu'au bout puis à l'autre embouchure. Et des fjords, y en a un paquet. Et toujours en face, la masse du Hornstandir, des falaises aux sommets enneigés d'où s'écoulent des cascades. Le mini-bus (on est 5 passagers) et sa remorque de sac à dos traverse parfois des fjords arides et d'autres verdoyant où les cascades sont nombreuses. Aucune envie de lire ou de m'assoupir, j'en prends plein les mirettes. Même disparité pour le temps, que des microclimats, pluie ou soleil (timide). On s'arrête à un hôtel perdu au milieu de nulle part, avec une incroyable piscine qui donne sur ces paysages. Les 50m qui séparent les vestiaires du bain doivent cependant être un enfer vu le vent hurlant.
A partir de là, on coupe par les terres, on traverse des collines où de multiples cours d'eau se muent parfois en petites cascades. J'aperçois un pêcheur à la ligne. Pourtant, gros temps, la pluie tombe fort. Je m'inquiète un peu pour le montage de tente. On arrive à Holmavik, le camping est à l'entrée du village, et là il arrête de pleuvoir... Une fois mon 4 étoiles en place, je vais découvrir le bled, tout mignon. Au fond d'une baie, un petit port, belle vue d'autant que les nuages s'éclaircirent. L'office du tourisme (pour les cartes de hiking trail) et le musée de la sorcellerie (hinhinhin) sont fermés, ça sera pour demain. Je profite qu'il y ait une cuisine pour me faire une soupe vermicelle/poule au pot. M'enfin, faudrait pas s'habituer à la chaleur du lieu, il fait 6° en journée, cette nuit les moult couches de vêtements ne seront pas superflues.
Jeudi 4 août
La nuit la plus froide depuis le début du voyage. Mais, il ne pleut pas ce matin. Je vais à l'office du tourisme pour me renseigner sur les randos du coin. C'est le même bureau que le musée de la sorcellerie. Comme quoi, en Islande, la randonnée s'apparente à une science occulte .... Et effectivement, plutôt que de me montrer une carte, le mec me fait sortir et me fait voir globalement là où il faut aller.
Suivant ses indications, je suis la côte un moment avant de bifurquer vers les terres. Là des caïrns m'attendent et me guident vers une route de terre. Comme quoi, c'est pas sorcier. Enfin si ... J'arrive sur la rive d'un grand lac, que je longe. Pleins de collines verdoyantes alentours. C'est beau et apaisant. Le temps alterne entre bruine et soleil, mais le ciel est quand même bien chargé. Au bout de deux heures, la pluie se fait plus violente, je prends le chemin du retour en suivant la côte cette fois.
Je me pose à l'abri de la cuisine du camping, bien trempé. Après un thé 1336 (what else ?), je vais à ce fameux musée de la sorcellerie. J'y apprends qu'Homalvik et la région du Strandir étaient les lieux où il y a eu le plus de procès et de buchers (21 dont 20 hommes, contrairement à l'Europe la magie est masculine ici). La plupart des juges inquisiteurs descendent d'ailleurs de lignées de sorciers ... Pas mal de vieux bouquins, avec des explications de sceaux à graver, sur quoi (lignite, bois, peau animale ou humaine) et avec quoi (du sang souvent, le sien, celui de règles de vierge, de corbeau ...). Pas mal concerne la protection contre le vol, et/ou le châtiment du voleur, le moyen de faire fortune ... Dans ce dernier domaine, un truc bien crade, le pantalon en peau humaine. Attention, il faut l'accord du donneur, un fois mort, il faut déterrer le cadavre, l'écorcher jusqu'au nombril sans faire de trou, une fois le pantalon mis, et après quelques rituels (dont voler une femme pauvre, sympa !), ben tu peux faire sortir à volonté des pièces d'or du trou du cul ... Par contre, il faut le céder à quelqu'un avant sa mort, sinon pas de repos pour ton âme.
Un homme fut reconnu comme guérisseur après avoir sauvé une pécheur attaqué par un phoque (quand les pinguins vous disent que c'est des vrais saloperies ces fucking phoques). Une pierre en forme de coupe, très simple, primitive, conclue l'expo. Il s'agit d'une coupe sacrificielle viking, les analyses confirment la présence de sang humain ... Je n'achète aucun volume de runes, et vais me purifier à la piscine, avant la soupe, « la Terre mourante » (aux sorciers bien plus drôle) avant le dodo.
Vendredi 5 août
Même si la nuit fut bien froide, soleil éclatant ce matin. Comme pour saluer ma dernière journée de rando, à condition de pas me paumer car si je manque mon bus pour Reykjavik en fin de journée, le retour à Marseille risque d'être compliqué. Ayant compris quelques arcanes de la sorcellerie randonesque locale, en plus de mes techniques de ranger gnome, je pars sur un globalement c'est par là, vers la côte, à l'opposé de la veille. Après avoir gravi deux collines, la magie opère, tout d'abord par la beauté des paysages, mais aussi car je tomberais sur des caïrns puis sur un sentier côtier des plus agréables, donnant sur des plages noires, contours déchiquetés et vue sur le fjord suivant.
Je me pose un moment face à la mer et finis les aventures de Cugel l'Astucieux dans la Terre mourante (plus de bouquins en stock !). Je repique vers l'intérieur, collines fleuries et moussues, teints argiles et ocres. Soleil toute la journée, même si parfois le vent oblige à mettre le k-way sur le tee-shirt. Je reviens sans encombre à Holmavik. Pliage de tente, 1336 et écriture de carnets en attendant le bus. Vu qu'il arrive tard dans la nuit à la station de banlieue de Reykjavik, j'espère en choper un bus de ville pour le centre, dormir sur un banc de la gare routière m'excite moyen.
Samedi 6 août
Finalement j'aurais pu choper un des derniers bus vers le centre et planter ma tente à minuit. Le camping est archi-bondé, c'est la gay pride aujourd'hui et pleins de gens sont venus y assister. Levé tôt, je réserve mes deux prochaines nuits en omettant de dire que je suis arrivé la veille (mais minuit, c'est plus la veille, nan ?). Je descends au centre à pied via le littoral, direction l'office du tourisme pour une carte « I love Reykjavik 48h ». Pour 4700 couronnes (30 balles), cela permet d'avoir accès à la plupart des musées, toutes les piscines et les bus pendant 48h. C'est vite amortit quand tu sais que le prix d'un ticket de bus c'est 420kr, une entrée de piscine 900kr et un musée 1500kr.
Je commence par le musée de la colonisation, dont le terme n'est pas péjoratif ici vu que l'Islande était inhabitée quand les premiers vikings sont arrivés. Le musée s'appelle 871 +/- 2, date du premier peuplement. L'expo est construite autour des fondations d'une maison longue trouvée là. C'est super bien foutu, que ce soit les explications claires, mais aussi le multimédia hyper bien exploit (éclairage de certains points de la maison, modélisation 3d interactive, tables tactiles ....). Une vraie réussite où je reste un bon moment.
Je vais ensuite à la traditionnelle chasse aux cadeaux souvenirs, rapportant moult peluches et figurines de trolls, même si un renard arctique m'a fait sacrément courir. Direction le Bonus pour le skyr à ramener en France (slurp) mais pas de bières pour Marseille vu que la vente d'alcool est interdite le week-end (y a une grosse affluence devant les magasins spécialisés le vendredi soir ...). Je m'embourgeoise en prenant des knaki en soldes pour améliorer ma soupe de midi ...
Après ce festin, je redescends en ville, en bus cette fois pour assister au défilé de la gay pride. Le bus est bondé de gens avec des drapeaux arc-en-ciel. On l'avait déjà fait en 2013, c'est très différent de chez nous. Déjà, c'est une fête populaire, il y a énormément de monde, des familles, des gosses. La plupart des gens ne défilent pas, même parmi les lesbiennes et gays, mais regardent le défilé de chars. Bien évidemment il y a un côté festif, avec le clou, un char licorne argentée à la crinière arc-en-ciel avec un groupe elctro-dico en paillettes argentées et tête de licorne. Mais la dimension politique liée à l'histoire de la gay pride n'est pas oublié, il y a beaucoup de banderoles et pancartes qui semblent revendicatives, et un char émotionnellement fort, une prison avec des couples lesbiens et gays au visages tuméfiés et aux vêtements tachés de sang, pour qu'on oublie pas que de par le monde on peut être stigmatisé, harcelé, emprisonné, torturé et tuer pour son homosexualité. Si des participant-e-s de la fête marchande qu'est devenue la gay pride à Marseille pouvaient s'en inspirer ....
Je file ensuite au musée d'Art moderne qui fait la part belle à l'artiste islandais Erro, spécialiste du collage et autre mélange bds/politique (l'assassinat d'Allende est une des plus marquante). Là est mis en avant son travail humain/machine, des créations cyberpunk avant l'heure, avec un côté dadaïste omniprésent. Après la culture de l'esprit, celle du corps. J'ai repéré une piscine excentrée, histoire de changer. Je traverse des quartiers cossus, puis beaucoup moins, avant d'y arriver, de dégainer ma carte I love Reykjavik et de m'apercevoir dans les vestiaires que j'ai oublié mon maillot au camping ... Caramba, encore raté. Du coup, je retraverse une partie de la ville pour me pauser un peu auprès des canards du lac de l'Hôtel de ville avant d'aller à la galerie nationale, plutôt art contemporain, avec un focus sur une artiste belge assez dérangeante, Berlinde de Bruyckere, dont le travail est basé sur des corps écorchés, la peau animale et humaine .... La galerie héberge aussi une œuvre de Picasso bien bloquante, Jacqueline au ruban jaune.
Après ça je rentre au camping récupérer mon maillot pour aller à la piscine juste à côté (la plus grande du pays) que je commence à bien connaître. Pour une fois, je resterais un temps au 42°, après quelques longueurs. De retour au camping, je tape ces carnets, en attendant qu'une plaque de la cuisine se libère, c'est pas gagné, le camping est toujours bondé, pleins de gens avec des sacs jaunes au cochon rose Bonus. Mais plus disputées encore que les plaques de cuissons, les (pourtant nombreuses) prises électriques pour brancher portables, ordi and co. J'ai eu un beau soleil toute la journée (il fait 14°, ça change des 4°/8° des jours précédents), même si la nuit est toujours froide. Demain dernier jour.
Dimanche 7 août
Le dimanche, il n'y a pas de bus avant 10h, du coup je descends à pied dans le centre pour choper les dernières commandes de figurines de trolls. Je croise pas grand monde, si ce n'est 3 B-boys qui portent leur Mac en guise de ghetto blaster. Puis premier bus pour Nauthólsvík, la plage de Reykjavik. Vu que l'arrêt est celui de la fac, je vais y jeter un œil. Vaste hall d'accueil, très classe. Rapidement, je vois des gars qui dorment plus ou moins en vrac, des cartons de pizzas partout. La fac serait-elle occupée par les étudiants ? En août ? Vais-je rencontrer des maoïstes islandais ? Que nenni, il s'agit d'un tournoi de jeux vidéo, des nerds sont d'ailleurs encore scotchés à leurs ordis à l'étage au-dessus. Je repars donc pour Nauthólsvík qui est juste à côté. L'endroit est assez scotchant, une petite plage dans une anse, seule endroit d'Islande où on se baigne dans la mer, car ils ont installés une canalisation d'eau chaude qui se déverse dans la mer. Bien évidemment, ils ont construit deux hot spots, dont un au niveau de l'eau. Y a pas grand monde à la mer, je fais trois brasses avant de faire comme tout le monde, me scotcher au hot spot, face à la mer. Je bloque là jusqu'à midi avant d'aller me cultivationer.
Le Musée national est à quelques arrêts de bus de là. Essentiellement historique, de belles pièces (une figurine de Thor du Xe dont la reproduction est dans mes chiottes, portes d'églises et cornes à boire sculptées du plus bel effet ... ). Vaste et bien documenté, j'en ressors un bon moment après pour aller poursuivre avec la Maison de la Culture, ce qui me fait saluer les canards du lac de l'Hôtel de ville. Collection installée de façon assez déroutante, les salles ont des thèmes portant sur des perceptions personnelles (outside/inside, up/down, treasure, grave ....) et les œuvres des différentes époques se côtoient. Parexemple, pour la mort, on aura un masque mortuaire du début du 20e, une fresque moyenâgeuse et un tableau abstrait contemporain. Une salle sera consacrée à l'extermination d'une espèce, le grand pinguin (great auk) dont le dernier couple a été tué sur une petite île faisant face à Reykjavik.
Je me pauserais un peu au parc qui jouxte la maison du Premier ministre, absolument pas protégée par quelques flics que ce soient, avant d'aller au musée de la Photographie. Une belle expo sur le mode de vie des éleveurs et pêcheurs des Fjords du Nord. Comme la bibliothèque partage le même bâtiment, je visite un peu, vaste, moderne, classe.
L'après-midi se termine, je remonte à pied au camping via le littoral, avant d'aller faire ma dernière séance de piscine. Plein de monde jusqu'à la fermeture à 22h. En sortant, je me prends un pylsa (hot dog) au kiosque en face. Les islandais adorent, y en a partout. Je prends un « with all » (moutarde, mayo, ketchup). Retour au camping, faire rentrer toutes ces peluches et figurines dans le sac à dos, check. Sorcière qui compte, puis pliage de tente, avant d'attendre Laurie et François qui arrivent de France à 2h du mat' alors que je prends mon bus pour l'aéroport à 2h30 ... Nuit blanche à Reykjavik, façon le soleil ne se couche pas non plus.
Pleins d'autres photos ici : Album photos Islande