Argentine - Chili 2017

Mardi 18 juillet

Arrivé à Buenos Aires 30 heures après être parti de Paris. Quand tu peux pas payer cher, et que tu veux pas passer par les low cost, on te facture la galère en nature. Crevé au final mais j'ai pu me faire le centre de Rome au pas de charge. A peine installé dans l'avion, mon pire cauchenar, un enfant très jeune. Gargl. Ben non, au final, je sympathise avec Flori, sa mère argentine. Quand elle me dit que le prénom de son fils est d'origine mapuche et que je connais (un peu) leur situation, de même que l'histoire de la dictature militaire et que je compte aller voir un concert punk, ça débloque la conversation, elle m'apprend qu'elle a grandi en Italie, ses parents étant exilés pendant le dictature, qu'elle a des "desaparecidos" dans la famille, qu'elle fait partie d'un comité de soutien aux Mapuches, qu'elle bosse pour le festival du film du Centre des Droits humains et qu'elle connait la salle punk où je compte aller.

Après plus de deux heures d'attente à pour passer le bureau des migrations, et une navette plus tard, j'arrive enfin à l'auberge de jeunesse où je peux poser mon bardas dans le dortoir de 6. Sans faire exprès, j'ai repris la même auberge que lors de notre retour de Bolivie en 2005. Envie de me dé gourdir les gambettes, direction la Plaza de Mayo, celle où se retrouvent les manifs, pas mal barricadée par les keufs d'ailleurs, puis Puerto Madero, la partie du port qui a été boboïsé avec entrepôts retapés en café, hype mais vide. De là, j'enchaîne sur la réserve écologique juste à côté, un marais préservé bien au calme. Idéal pour se poser. Ensuite direction San Telmo, le quartier des cafés. J'ai une mission pour Anselmo (le Ramirez de Mr Thousand & Ramirez), laisser leur nouvel album à la famille qui il louait il y a quelques années. J'ai été accueilli comme un roi et j'ai pu profiter de la terrasse, avec un graf' ramirezien datant de cette période. 

Pause à l'auberge pour grignoter, puis direction la Boca, le quartier prolo, siège du club du même nom Club Atlético La Boca Junior (CABJ) et son stade mythique la Bombonera. Pleins de grafs à la gloire du club et des supporters (le joueur numéro 12), avec une bonne dose de social dedans. El Caminito, passage des maisons colorées, me fait le même effet que Montmartre, dès qu'on s'éloigne un peu, le vernis touristique tombe, plus de danseur de tango qui veut vous initier, mais un quartier de misère, à l'abandon, à croire qu'il n'y avait pas assez de CDI d'usage pour tous. En rentrant, je repasse par San Telmo et m'arrête chez un disquaire bien psyché. Bouquinage et dodo, heureuseument que j'ai des bouchons de concerts spécial hardcore vu le killer du ronflement avec qui on partage le dortoir.

Quand l'homme qui a inventé la mélancolie a rencontré l'homme qui a inventé Buenos Aires, ils devaient beaucoup pisser comme on pleure.

Mercredi 19 Juillet

L'avantage quand tu vas dans des concerts punk, c'est qu'à force, tu as des bouchons de sa race, qui, genre, supportent les ronflements de l'enfer de tes collocs de dortoirs à l'auberge de jeunesse. Décalage horaire tout de même, je me lève avant le jour, du coup me fait un café con medialunas (des demi-lune, des croissants) et me dirige vers le port, histoire de profiter du beau temps annoncé et traverser le Rio de la Plata pour Colonia (del Sacramento) en Uruguay. L'eau est marron de boue, un vent sévère sévit (essayez de répéter ça rapidement), de nombreux ilôts parsèment le trajet. La ville a été fondé par les portuguais en 1680, disputée par les Espagnols, a concurrencé Buenos Aires au niveau commercial un temps avant de péricliter. Il reste un petit centre d'époque, rues pavées comprises. Notament, la Calle de los Suspireos au très joli nom et qui est une des mieux conservée. 

Du haut du phare, une belle vue sur le village, puis je longe le littorral avec un muret old school, jusqu'à une petite plage avec un arbre qui me fait bloquer. Je sors ensuite de la ville, longeant toujours le littorral. De nombreuses plages, qui me font regretter la saison du voyage, je croise par deux fois deux bus de ABC Coop, une entreprise de transport récupérée et autogérée par les travailleurs. Une belle étoile rouge sur le flanc avec l'inscription "Gestion obrera", ça a plus de gueule que les pub de Jul sur le tramway marseillais. J'arrive aux arènes avant de rentrer en ville où je termine dans un café face au Rio, le très bon roman "Un bref moment d'héroïsme" de Cedric Fabre entamé la veille. A ce propos, les "quand l'homme qui a inventé ... a rencontré l'homme qui a inventé ...", c'est un gimmick de son bouquin qui m'a contaminé. 

Face au Rio de la Plata, muret XIXe, la bande son qui va avec. L'homme qui a inventé le coucher de soleil sur le Rio de la Plata et l'homme qui a inventé "Good woman" de Cat Power devaient avoir des actions dans les usines d'étaux à gorge. Pas loin, un couple qui se selfisera sa race, donc dos au coucher de soleil, il le regarderont que quelques secondes, fixant leur portable. L'humanité est foutue. Traversée tardive, retour à l'Aj, dodo.

Jeudi 20 Juillet

Nuit calme sans ronfleur. Je pars tôt en ballade, enchaîne les places et les jardins. Comme en 2005, le métier de promeneurs de chiens a toujours autant de succès, tu ballades une 10aine de chiens au bout d'autant de laisses dans les parcs. Je me fais le zoo, ah non le parc educativo-ecolo-responsables où y a des capybaras trop mignon, raaah lovely. Je passe par la gare routière pour choper mon billet de bus pour le lendemain, et décide de m'offir un bon morceau de viande, merde, elle est divine en Argentine. Pour choper une bonne paradilla pas trop chère, faut taper dans les quartiers pas touristiques, et pas d'affaires (histoire qu'elle soit fréquentée par des locaux), regarder l'âge de la clientèle (la 50aine c'est le top). A priori bonne pioche, celle que je choisis est blindée et le serveur m'appelle "chico". Je commande un bife de lomo (pas la plus petite pièce ...) et une salade pour accompagner. Bonne pioche jusqu'au bout, je me casse le ventre et atteind une félicité que les vegans ne connaitront jamais.

Après une pause digestive à l'auberge, je tombe  sur des travailleurs de Pepsi en lutte, me fait rencarder et alimenta la caisse de grève (info : ici ), puis direction la Plaza de Mayo pour la manifestation des Madres, qui manifestent depuis plus de 30 ans pour connaitre le sort des "disparus" de la dictature militaire (infos : ici ) . Divers groupes d'extrême gauche et de défenses des droits des natifs sont aussi présent sur la place. La manif en fait consiste à  faire le tour du monument central, la plupart des gens applaudissant et scandant sur le côté lors du passage des Madres.

Back à l'auberge, pour repas et me faire beau pour un concert punk repéré gràce à Pedro Moondawn. Vu que c'est vraiment pas à côté, je prends le métro et au moment où je veux acheter une carte, la meuf au guichet me dit qu'elle en a plus, que j'ai qu'à sauter. Je m'exécute, juste au moment où débarque un agent de sécurtité, du genre qui me dépasse d'une tête. J'essaie d'expliquer la situation, regrettant d'avoir révisé mon espagnol sur les diverses pièces de boeuf plutôt que les excuses, la musique de Midnight Express résonne dans ma tête, et s'ils croisent leurs fichiers avec ceux de la SNCF et ceux des campings islandais (voir épisode précédent), je suis bon pour Guantanamo .... Il lâche un laconique "passa" ... Arrivé à destination, je chope quand même une carte (ils en ont dans cette station) pour éviter la frayeur pour le bus de nuit ...

Je débarque donc au Salon Pueyrredon dont le nom n'est pas usurpé vu qu'il s'agit d'un salon du XIXe aménagé en salle de concert. Comme à Marseille, quand t'arrives à l'heure, tu es en avance, j'ai le temps de visiter. Un pièce bar, un salon avec expo et merchandising (occupé par un disquaire), un large couloir avec tables et la salle de concert avec grande scène surélevée. La grande classe. Je vais commander ma première pinte et là c'est le drame. Quand le taulier, un espèce de Looping Murdock sous speed, apprend que je suis français et punk, je deviens la mascotte de la soirée. J'ai droit à l'alcool du patron qui déchire sa race et la visite des lieux. Les loges, mais surtout le dernier étage où y a la radio. Une émission est en cours, ils m'incrustent et me voilà à baraguiner en ingles sur la scène locale (salles, Vortex, punk y cumbia, écoute de Conger!Conger!), parler de la "requalification" de la Plaine et des grèves de la Loi Travail. 

Bières aidant, l'ambiance est plus que détendue. Je redescends, la soirée à commencer avec du théâtre, j'y capte que dalle. Un groupe attaque, tendance rock alterno latino, avec coeurs et cuivre, moyen mon style. Quatrième pinte, quand je refuse un pétard, la question "you don't smoke weed ? Wich drugs do you want ? You can sleep here.". Là je comprends que si je veux pas me réveiller à la Machine à Coudre et manquer mon bus du lendemain matin, faut que lève les voiles, ce que je fais discretos pour éviter le traquenard. L'homme qui a inventé le punk rock et l'homme qui a inventé le soyons raisonnable se sont rencontré pour l'unique fois de leur vie le 20 juillet 2017 à  Buenos Aires.

Vendredi 21 Juillet

Dernier café à San Telmo avant de prendre le bus pour le nord. Quand tu as fait le Guatemala et la Bolivie, les bus argentin, c'est du velours, même pour 20h de route. J'ai pris du semi-camas, la classe la moins chère pour les longs trajets, celle où le siège s'incline le moins en gros. Départ prévu à 13h et arrivée à Puerto Iguazu à 7h le lendemain. Ca fait économiser une nuit d'hébergement. Le "repas" compris c'est un sandwich jambon-fromage-mayo industriel avec un biscuit estouffe belle-mère. Au moins, avec ça au corps tu dors bien ...Les paysages étant plutôt mornes, j'en profite pour enfiler des kilomètres de phrases et temines dans le trajet un roman dealé par Phil2Guy, « Yellow Birds », sur la guerre en Irak et ses horreurs vu par un soldat US.

Samedi 22 Juillet

Au réveil, je scotcherais par contre sur les paysages, fait de bordure de jungle, de terre rouge et d'habitations sommaires en bord de route. Sur les billets de bus argentins, l'heure d'arrivée est toujours suivie de « Approx. » et de fait, on arrive avec 3h de retard. Ce qui m'empechera d'enchaîner avec la visite des Cataratas dans la journée (mon côté stakhanoviste du voyage). L'auberge de jeunesse est vraiment chouette, le dortoir n'a que deux lits, cuisine-terrasse, hamacs et piscine (même si on est en hiver, les températures sont plus qu'agréable dans le nord). 

Après une tête dans la piscine, j'en profite pour visiter le bled, situé au croisement de deux fleuves, zone qu'on appelle la triple frontière, le Brésil et le Paraguay étant sur les autres rives. Après avoir flaner sur les rives, fait quelques courses pour le repas, retour à l'auberge pour attaquer "La voix du Feu", roman d'Alan Moore (Watchmen, V pour Vendetta ...) dans un hamac. Roman fleuve, le premier chapitre est raconté par un homme de Néhandertal, attardé mental, en style direct, faut s'accrocher .

Dimanche 23 juillet

Levé tôt pour aller voir les chutes, et si possible éviter les hordes de touristes vu qu'on est dimanche. Après un petit trajet en bus, on débarque et mon avance sera perdue vu que je tombe surement sur une délégation des rencontres internationales des technophobes devant le guichet de retrait, vu qu'il faut payer l'entrée en cash. Une demi-heure à maudire des vieux plus tard, je pénètre enfin dans le parc. Carte en main, je me dis que les 4 trajets proposés sont jouable dans la journée. Finalement pas trop de monde, sauf sur les spots à selfies (putain, je vais en décapiter un avec sa peche un jour). Y a pas mal de coatis en liberté, et même si l'animal est mignon, de nombreuses photos mettant en garde contre ses morsures sont affichées. Celui sur la photo a tenté d'arracher le sac d'une vieille pour y piquer la bouffe. La hausse de l'insécurité n'est pas un fantasme malgré la naïveté des gauchistes !

 Le site est des plus impressionant, et les photos rendent mal du côté grandiose. L'avantage c'est que je peux sortir dès le début de ces carnets la phrase incontournable de tout explorateur "face à ça, on se sent tout petit" (la 2e étant "j'ai bien cru que mes poumons allaient exploser"). Les chemins permettent de voir les chutes par en bas, en haut, depuis une île en face ... Je termine avec la Garganta del Diablo, impressionant, on en voit pas le bas vu l'écume soulevée. Apparement une bonne partie des visiteurs ne viennent que pour ça. L'homme qui a inventé le selfie et l'homme qui a inventé les passerelle étroites au dessus des chutes d'eaux auraient du déposer ensemble le brevet des envies de meurtres. 

Après m'être bien aérer la tronche, je quitte le lieu peu avant la fermeture. Et continue "la Voix du Feu" dans un hamac, avec cette fois une enquête au Néolithique (le roman conte l'histoire de la ville d'Alan Moore, Northampton, à travers les âges sur fond de sorcellerie).

Lundi 24 Juillet

Départ pour San ignacio, où se situe un mission jésuite, ou plutôt guarani-jésuite. Pour faire court (y a pas écrit Encyclopédie Universalis), au XVIe siècle les jésuites ont concrétisé leur utopie dans cette zone actuelement entre Paraguay et Argentine : rassembler des tribus d'indiens guarani loin de la perversion de la civilisation, les éduquer comme de bons catholiques, tout en leur laissant choisirs leurs dirigeants (chapautés par les pères jésuites, faut pas déconner). Ces missions, une trentaine durant leur âge d'or, ont pu rassembler des milliers d'habitants. Il y avait un pseudo communisme des biens, on a assisté à l'émergence d'un baroque guarani mêlant chant traditionnel et lithurgie catholique, et cela offrait une protection contre les esclavagistes (eux-mêmes occidentaux comme les jésuites ...). 

Bien évidement, c'est les guarani qui ont construit tout ça gratos, pas les jésuites ... Il y a le film "Mission" avec De Niro et Jeremy Irons pour une vision un peu idyllique et Lison me souffle que l'anarchiste Bruno Traven a écrit des critiques de cette expérience. Quoiqu'il en soit, même si la plupart des batiments sont éffondrés, cela reste un des lieux les plus serein qu'il soit, avec ses arbres au milieu des murs et ce silence partout. J'y déambulerais et y resterais des heures à bouquiner sous un arbre gigantesque (toujours les histoires de sorcellerie de Moore pour rassurer mes amis satanistes) et le quitterais à regret pour prendre mon bus pour Buenos Aires en fin de journée.

Mardi 25 Juillet

Arrivée à 11h à la gare routière, bus à 12h30 pour Puerto Madryn. Journée on the road. J'en profite pour terminer "la Voix des Morts", livre ardu mais recomandable pour les amateurs d'histoires souterraines, buchers, têtes tranchées et chiens fantomatiques.

Mercredi 26 Juillet

L'homme qui a inventé les 36h de bus entre San Ignacio et Puerto Madryn et l'homme qui a inventé les 800 pages de "Haka" et "Utu", polar maori par Caryl Ferey sponsorisent ce paragraphe. Arrivé en fin de matinée à Puerto Madryn, à l'entrée de la Peninsula Valdes, haut lieu d'observation des baleines, pingouins et autres lions de mers. J'ai paumé mon Lonely Planet quelque part à san Ignacio, ce qui m'oblige à de rapides progrès en espagnol pour demander des renseignements sur l'hébergement (apparement ma prononciation d' "albergue" n'est pas terrible) et les directions. J'arrive finalement à l' AL-BER-GUé juvenil, plus chère que les précédentes (dans les 12 euros la nuit en dortoir avec petit dej') , la ville étant plutôt touristique. Les pinguins sont déclinés à toutes les sauces (des peluches aux enseignes ...). Une fois la muchila posée, je me fais le front de mer et sors de la ville pour me dégourdir les pattes après tant d'heures de bus. Je ne verrais pas de baleines à l'horizon mais de beaux paysages cotiers et un coucher de soleil flamboyant. 

Jeudi 27 Juillet

J'apprends avec déception que je ne pourrais voir les pingouins de Punta Tombo, si j'ai bien compris c'est la période où ils baisent et faut pas les déranger, on est pas des malotrus. De dépit, je vais méditer sur la carte des environs pour choper une rando quand j'aperçois une baleine au large. Mon karma rechargé, je longe le front de mer pour sortir de la ville de l'autre côté. C'est parti pour 8 heures de marche en front de mer, en croisant peu d'humains, quelques pécheurs. Accompagné par le bruit des vagues, la ballade m'aère bien la tronche. Lors de ma pause à mi-parcours, je me fais "attaquer" par des mouettes, mais fort de l'expérience des "krya" islandaises, bien plus aggressives, je retraite dignement avec mon sac sur la tête. Retour paisible, coucher de soleil, lecture sur fond de meurtes sanglants en Nouvelle-Zelande.

Vendredi 28 - Samedi 29 et Dimanche 30 Juillet

Départ tôt pour Puertu Piramides dans la Peninsula Valdes, petit village au large duquel croise les baleines. Il y a une seule auberge de jeunesse, mais vu que la plupart des gens viennent à la journée depuis Puerto Madryn, je serais seul dans la chambre pour 6. Durant ces trois jours, je m'offrirais une sortie en bateau pour approcher les baleines australes, moment toujours poétique même si elles sont moins gracieuses que les islandaises. Des dauphins s'incrustent souvent auprès d'elles. Les gars de l'équipage ont des numéros d'humoristes et tentent de me les faire partager alors que je suis perché sur un bastinguage le sourire béat dès qu'une baleine apparait (chorpatelico !) . De longues ballades aussi en journée, toujours un peu à l'arrach', du genre je longe la route et prends un chemin au hasard. Des fois tu tombes sur une décharge, une autre fois sur une colonie de lions de mer à la vie sociale assez bloquante avec son vieux mâle qui veille sur son harem et les jeunes assez dissipés qui pensent qu'à se jeter à l'eau tandis que la plupart se prélassent au soleil sans en branler une. 

Belles côtes déchiquetées, une zone de grosses dunes au beau milieu de nulle part, ds couchers de soleil au bord de l'eau en lisant Neruda (j'ai commencé son autobiographie "J'avoue que j'ai vécu") , tout en sirotant du maté et bloquant sur les baleines qui passent au large. Un pingouin isolé, surement un onaniste vu la période, nagera juste à côté de mon spot un soir. Trois jours bien sereins, départ le dimanche soir pour El Bolson, un village qualifié de hippie aux pieds des Andes, pas loin de la frontière chilienne. 

Lundi 31 Juillet - Mardi 1er Août

- Esteban, tu es sûr que le marshall ne nous trouvera jamais ici ?

- On est dans le trou du cul du monde, paumé au pied des montagnes, de la neige partout ...

- Ouaip, mais il est coriace le marshall.

- Tedd, qui imaginerait trouver des punks dans un bled de putains de hippies.

- Ouaip, mais ...

- Quoi Tedd ?

- Ben justement, c'est quand même des putains de hippies ...

- Ecoute, s'ils nous les brisent avec leur paix et amour à la con, on brule, pille et ventile tout ça façon puzzle.

- J'aime quand tu parles comme ça Esteban.

- Moi aussi, ça me donne envie de partir au galop en criant "hiha !"

- Ouaip, surtout qu'on risque d'arriver en retard au cours de yoga.

- BANG !

Reveil dans le bus, paysages enneigés, ça change de la côte où je randonnais en tee-shirt. Arrivée à El Bolson. Je m'imaginais en chemin la communauté hippie et le premier meurtre de masse en Argentine perpétré par un punk marseillais excédé. A la première approche, le bled me parait plutôt normal que baba cool, si ce n'est un graf contre le nucleaire et des brasseries de bieres artisanales. Ce qui sera confirmé par les deuxième et troisième approches. Mauvaise surprise par contre, impossible de retirer de la thune, tarjeta de credito refusée par les guichets automatiques. Mal barré, j'ai plus de liquide en poche. Je changerais les 20 euros qui me restent mais ce problème va m'occuper ces deux jours. Au fil des investigations, je constate que je suis pas seul dans ce cas et que les guichets du coin sont allergiques aux cartes étrangères. Les banques et l'Argentine, une salle histoire. Même si je peux payer par carte, peu d'endroits sont équipés (pas l'auberge de jeunesse par exemple, ni forcement les paysans, donc obligé de renoncer aux ballades à cheval). L'auberge de jeunesse est à la sortie du bled, et elle plutôt hippie. Equipe jeune et tatouée, eco-machin-responsable, ateliers yoga mais franchement sympa, pas cher et les petits dej' tuent leur race avec pain fait maison, sans oublier les lits douillets comme celui de Papa Ours.

Les maisons, notamment en dehors de la ville, sont fait de bric et de broc, mais il est quand même facile de reconnaitre quand il s'agit d'une piaule ecolo-hippie ou d'une famille pauvre, même si elles cohabitent dans les mêmes environs. Les rando sur les hauteurs offrent de beaux miradors, je tomberais sur une croix, tagguée sur son flanc "Sin Patria, Sin Dios". Billet pris pour Bariloche le lendemain, avec le passage au Chili prévu dans la foulée.

Mercredi 2 Août

Debout à 6h, bien avant l'aube (le soleil se lève à 9h). Dernier petit dej' de sa race, puis j'attends le bus vers le centre-ville dans le nuit et le froid avec des gamins qui vont à l'école. Les deux heures de bus suivantes entre El Bolson et Bariloche sont des plus agréables, montagnes, neige, forêt. On dirait les Alpes. D'ailleurs ils appellent la région la Suisse argentine. C'est pour cela que je voulais éviter une nuit à Bariloche, vu que c'est le lieu de vilégiature de la bourgeoisie argentine. Pas de bol, unique bus pour le Chili à 8h du mat'. Du coup, je me trimballe mon bardas jusqu'à une albuergue, tout en pouvant retirer du cash (ouf) sur le passage. Mon apréhension antibourges n'était pas infondé, c'est 300 pesos (15 euros) la nuit en dortoir, sans petit dej' (à El Bolson c'était 170 pesos avec petit dej' (de sa race)). Ils poussent la ressemblance jusqu'à avoir le chocolat comme spécialité. Sur le front de lac, une ancienne piscine est squattée par des skateurs.

La ville est construites sur la rive d'un lac immense, ceinturé de montagnes enneigées, rien à dire ça en jette. Je longe la rive, enfin surtout la route qui suit la rive, vu que celle-ci est pas mal privatisée par des piaules de richards et surtout hôtels et bungalows de luxe. De temps en temps, un accès à une playa publica mais c'est rare. Après quelques heures de marche, je squatterais avec mon Neruda sur l'une d'entre elles. Retour en ville en bus (la carte des bus urbains est la même que celle de Buenos Aires, nos villes devraient s'en inspirer), coucher de soleil au bord du lac, achat de mon dernier steack argentin (moins de 5 euros le belle pièce) pour la cuisine de l'AJ, puis écrivation de 10 jours de carnets de voyage en retard. Réveil mis pour demain 6h30, pour mon premier jour au Chili.

Jeudi 3 Août

En plus d'être chère, le lit de l'AJ est pourri et j'ai une putain de douleur musculaire à l'épaule gauche qui m'a empéché de dormir une bonne partie de la nuit. Surement à cause d'un mauvais équilibrage du sac (ceux qui ont pensé "plus surement à cause de l'âge" peuvent se diriger vers le goulag le plus proche de chez eux). J'attends le bus de ville, le jour s'est pas encore levé, les lycéens vont en cours. Départ à 8h, mais moi qui voulait continuer ma nuit dans le bus, pas moyen, les paysages sont trop somptueux. En effet, on est en train de passer les Andes par des cols enneigés. Lacs, montagnes, forêt, blanc manteau. Le cerveau entre en mode massage. Et dire qu'il y a une semaine j'étais dans la jungle et au bord de l'Ocean il y a quelques jours à peine. On passe la douane, le chien ne dit rien pour le sac de maté que je ramène pour Higgins. Beau temps au Chili, c'est très vert, un côté Comté avec le Mont du Destin (je connais pas le nom du volcan qu'on aperçoit) enneigé en fond. Comme d'hab' on a du retard et j'ai une correspondance limite à Puerto Montt, je crois me souvenir qu'il y a une heure de décalage avec l'Argentine, ce qui me laisse de la marge et demande à un des chauffeurs qui me répond non. Du coup, je balise un peu et plus tard demande au même mec si c'est pas rapé pour la correspondance, il me dit non, de pas m'inquiéter, qu'il y a une heure de décalage avec l'Argentine. Je veux pas moufter, mais leur niveau d'espagnol est limite s'ils me comprennent pas (AL-BER-GUé !) ...

Arrivé à Puerto Montt vers 13h30, avec une heure de battement (ah !). Après avoir longé le front de lac, j'essaie de trouver un guichet pour retirer, vu que j'ai rien bouffer depuis hier soir. Refus de l'opération. J'angoisse un peu vu que j'ai plus que 10 euros à changer. On repart à 14h20 (heure du Chili, hein, parce que je sais pas si vous savez mais y a une heure de décalage avec l'Argentine), direction l'île de Chiloé. Choisie parce qu'il y a des églises en bois avec une architecture unique au monde et une mythologie locale à base de serpents divins, gnome lubrique et bateau fantôme. Un écran électronique dans le bus indique la vitesse, le nombre d'heures de conduite du chauffeur, etc ... On doit avoir affaire à un monomaniaque, en pleine ligne droite il bronche pas entre 96 et 98 Km/h. En fait, plus tard, il y a une sonnerie quand il dépasse les 100, demandant à ce que la vitesse soit réduite. Sur la fin du trajet, l'écran indique que le contrôle est débranché ... 

Le temps se fait plus humide, on traverse via une barge, la plupart ne sortent pas pour mater la traversée et restent scotchés à leurs portables. L'île est plate et très humide, pleins de lagunes. Les maisons snont bloquante, très ramassées, trapues, sur des petits pilotis (à cause de l'humidité ?). Plein de styles différentes. Les plus anciennes me font penser à des demeures lovecraftiennes, d'autres ont des genre d'écailles comme déco (surement pour honorer une certaine créature qui rêve sous l'Océan ... ), d'autres sont de bric et de broc. On traverse la première ville, Ancud, on arrive à Castro ma destination (mon côté fidèle) à la tombée de la nuit. Une partie des maisons ont le cul sur pilotis au dessus de l'eau (pratique pour que les Profonds viennent rendre visite à leurs cousins humain ..) . C'est marée basse, pas mal de bateaux à flanc sur le sable.

J'essaie de retirer au DAB, nouvel échec. J'angoisse à me retrouver sans une thune, et espère que l'auberge de jeunesse accepte les cartes, histoire de pas avoir à dormir sur banc de la gare routière. L'AJ indiquée par le Lonely Planet n'existe plus et un nouveau Dab m'envoie chier. Je commence à insulter interieurement pas mal de choses et me dirige vers une 2e Aj, loin du centre, qualifié de "cosy". Mes loas reviennent, le 4e DAB sera le bon, du coup je retire 260.000 pesos chiliens (environ 300 euros) histoire d'étre à l'abri de nouveaux coups de speed. L'aj est en effet très classe, tout en bois, avec salon de lecture, cuisine, cheminée et terrasse sur la lagune (et ordi à dispo où je tape ces lignes). Et c'est moins cher qu'à Bariloche .... On est que deux dans le dortoir. Soulagé, je vais m'acheter de quoi me faire des pastas à la tienda du coin, et poursuis les Carnets en sirotant du maté.

Vendredi 4 Août

Bien dormi dans le lit douillet, petit dej' de sa race(oeufs brouillés, confiture maison ...), ça change de Bariloche. Depuis la terrasse, brume sur la lagune, renforçant l'impression lovecraftienne qui plane sur la ville. Je naurais pourtant entendue aucune cérémonie impie cette nuit mais ces gens savent se faire discret. Je longe le bord de mer puis bifurque vers la place principale pour visiter l'église. D'une jaune pimpant à l'extérieur, elle est beaucoup plus sobre à l'intérieur. Le bois apporte un côté très apaisant, d'autant que j'y suis seul. Direction ensuite la gare routière pour prendre un minibus pour Achao, un bled sur une petite île (Chiloé forme un petit archipel autour d'une mer intérieure entre l'île principale et le continent.). Traversée en barge (mais pas folle). Toujours du brouillard et ces batisses qui me rappelle que je dois me faire le 3eme tome de "Providence" de Moore en rentrant. L'église est encore plus bloquante que celle de Castro. De belles couleurs sur le bois. Toujours seul pour la sérénité. Je me fais le front de mer, y a des panneaux qui indique vers où courrir en cas de tsunami (genre si celui de R'lyeh se réveille brusquement). Je continue mon Neruda en attendant le bus pour une étape à Dalcahue où l'église est malheureusement fermée.

 Retour à Castro en milieu d'aprèm, je me rencarde pour aller rendonner au parc nacional le lendemain. Sur le front de mer, je remarque un groupe de vieux qui bouffent à un stand, il s'agit d'une poissonnerie qui te sert directement depuis le déchargement des bateaux de pêche. Je me fais un ceviche saumon/poulpe/moules qui déchire, et du coup fait des courses pour le soir, tout ça pour moins de 10 balles ... Je continue mes déambulations dans cette ville qui opère son charme sur moi. Beaucoup de chiens errants, marée basse, je passe sous les pilotis des habitations. Rentrée à l'Aj pour un maté/Neruda sur la terrasse. Avant de continuer les carnets, une réponse me confirme que les pinguins ne sont pas dans le coin, mais pas de réponses du plan équitation dans la région des lacs que j'avais prévu pour la suite. Bon j'y vais, j'ai mes pates au poulpe à cuisiner. 

Samedi 5 Août

Il pleut sa race au réveil. Je gamberge pendant le petit dej' et me décide à tracer vers le nord, ne sentant pas une rando avec orage et boue. Direction la gare routière de bon matin, sans passer par la case poissonerie, snif. Je chope un direct pour Puerto Montt en espérant avoir une correspondance pour Pùcon, ma destination, choisie un peu à l'arrach' pour y faire de la rando. La chavane se calme pas, je quitte Chiloé à regret, j'ai bien aimé l'ambiance. La barge tangue sévère à la traversée. 

Je shoote un tag de la jeunesse communiste chilienne sur un mur. Correspondance dans deux heures, ce qui devrait me faire arriver vers 21h, en espérant que l'Aj soit ouverte en cette saison. Pluie, on y voit que dalle. Je finis mon Neruda, et le CQFD d 'été. Arrivée, il ne pleut plus, l'auberge n'est pas loin, plutôt écolo, tout en bois, les parquets grincent, j' ai une nouvelle fois un dortoir pour moi tout seul.

Dimanche 6 Août

Merde, ça tombe encore. Pas envie de fuire la pluie en bus, ni de passer la journée à Neruder près du feu. Tant pis, je trace vers une réserve que j'avais repérée. 30mn de combis et me voilà déposer devant l'entrée. Degun au guichet, tu m'etonnes ils doivent s'attendre à voir degun vu ce temps. Je commence à monter, la brume m'empèche de voir trop haut. Ca grimpe. La boue glisse. Mais après le trip Islande de l'année dernière ça reste un jeu d'enfant. Arbres et bambous un peu zarb. Ambiance bien bloquante avec la brume et la bruine. J'arrive à espèce de refuge qui fait Blair Witch ... Je reprends l'ascencion. Merde, attention verglas. La baton en bambou chopé en début de parcours m'aide bien. Bien évidement je suis seul, ce qui rajoute à l'ambiance. Tiens de la neige. 

De la jungle equatorienne au canada en quelques jours. Quelques glissades sur cul mais sans plus. J'arrive au bord d'un lac en partie gelé où je bloque un moment avant de m'apercevoir que ça fait trois heures que je grimpe (et glisse). Il est temps de faire demi tour pour pas manquer le dernier bus (il y en a moins le dimanche). La bruine alterne avec la pluie. Suis trempé. J'attends sous l'abribus, un taxi s'arrête et me propose de me ramener pour le même prix que le bus (il va à Pucon pour une course). Vendu. Je me ballade un peu dans le bled, station de sports d'hiver désertée car les vacances d'hiver se sont terminées fin juillet. Belle plage de sable noir en bas des montagnes. Je rentre à l'aj faire sécher mes fringues et bouquiner au coin du feu. 

Lundi 7 Août


Caramba, j'ai raté le bus matpour aller randonner dans un parc nacional. Du coup, j'en profite pour prendre mon billet de nus de nuit pour Valparaiso mercredi. J'étudie un plan B de rando, quand éclate un orage de sa race. Du coup, c'est tout vu, en solidarité avec les marseillais qui postent depuis des semaines leur suffrance avec les 40° de canicule, direction les bassins de souces chaudes du coin, pour m'infliger cette torture. C'est à 45mn de Pucon en combi, la pluie se calme pas. Y en a pas mal dans le coin, j'ai choisi les moins cher (10 balles la demi-journée) qui sont tous en exterieur (pas envie de me taper les super luxueux au décors japonais, je suis au Chili bordel). Du coup, ben y a degun. J'ai les 7 bassins pour moi tout seul ... Décors qui aide à la détente, à côté coule une rivière, arbres gigantesques et monts enneigés en fond. Avec la pluie c'est assez bloquant, tu es imergé dans un bain chaud, les gouttes s'écrasent à la surface. 

Jonglant entre les bassins (celui à 42° est trop pour moi), je décide d'élire domicile dans celui à 38. La pluie se calme, j'attaque "le Chant général" de Neruda. Sérénité du corps et de l'esprit. Seulement deux familles passeront, on est plutôt à l'aise. Je ne battrais pas mon record d'Islande 2017 (7 heures dans les hot spots, mais c'était le lendemain d'une rando de 12h où j'avais failli mourir) et sortirais au bout de 3h et demie. Il ne pleut plus. Retour en bus, je profite des paysages magnifiques (pas vu avec l'orage du matin), gigantesques arbres, lumière et couleurs d'automnes, ceinture de neige.

Mardi 8 Août

Levé avant l'aube pour partir en rando au Parc Nacional Huerquehue, qui se trouve à 1h de combi de Pucon. Premier matin sans pluie, c'est appréciable. On est 8 à débarquer, le chauffeur nous prévient que le dernier bus est à 17h30, les gardes forestiers nous font un topo. Pas mal de parcours fermés à cause de la neige, mais on a de quoi faire avec un de 7 heures. Ca commence par longer un lac sous un couvert de fôret (des hêtres, c'est écrit), pas mal de boue à cause des jours de pluie précédent. Ca grimpe ensuite pas mal, mais le paysage est enchanteur arbres gigantesque (araucarias), cascades, lacs, montagnes enneigées, puis ça commence à évoluer dans la neige. 

J'ai de bonnes chaussures de rando, mais pas forcement adapté pour la neige, mais avec un baton ça va (plus ou moins). Après trois heures de marche, ça tue sa race, le sentier serpente entre différents lacs, plus ou moins gelés, aux pieds des montagnes. Arrivé au Lago Verde, je me dis qu'il est temps de faire demi tour, ça fait 4h depuis le départ. Pas le temps d'aller où je voulais, le parc réclame carrément plusieurs jours (il y a des refuges, mais que pour l'été). Pas de bol, pluie sur la descente, du coup, dans la neige je glisse sans ski, m'orientant avec le baton, puis patauge dans la gadoue. C'est rock'n'roll est assez fatiguant mais vu que j'en ai pris plein les mirettes, ça va. Vu la taille des arbres et les nuages, à certains endroits il fait presque nuit. La pluie redouble. J'arrive à temps pour le bus, grelotant en attendant dans la cabine des rangers. Douche en arrivant, prospection pour la suite du voyage, puis bouffe avec un plat typiquement chilien, des patates, poivrons et fromage frits et un oeuf au dessus, burps, ça cale. Une petite bière artisanale du coup pour faire passer, et direction le pieu pour continuer le voyage à travers le Chant général et dodo.

Mercredi 9 Août

Il ne pleut pas, du coup pas d'excuse pour passer la journée dans des bassins chauds. Motivé pour le Parc Nacional Villarrica au pied du volcan, soucis pas de bus qui y va, les agences sont trop chères pour les smicards et c'est à 14 bornes. Après l'Islande 2016, plus peur de rien, c'est parti. Les 8 premiers kilomètres se font à en bord de route, mais après cette première heure et 45mn, j'arrive au parc et la suite est bien plus agréable à l'oeil. D'autre arbres gigantesques, neige, volcan en fond, mais pas mal de brume, je ne vois que la base. Il commence à pleuvoir. En fait quand Neruda écrit que sa poésie a été abreuvée par la pluie de l'hiver en Araucanía, c'était pas une figure de style ...

 Arrivé à un point en hauteur, la pluie s'arrête, je me retourne et là vue sublime sur le lac en contrebas, avec les montagnes enneigées autour. Bon spot pour la pause pan con tomates. Les nuages se retirent peu à peu, et la lumière devient splendide. La pluie reprend, il est temps de rentrer. Lors de ma descente, la pluie redouble, je me dit qu'il va falloir penser à faire du stop, même si y a pas beaucoup de passage. A peine ai-je pensé ça qu'une bagnole s'arrête et un couple de chiliens me propose de me ramener sans que j'ai eut à lever le pouce. Buenas ondas. Retour à Pucon, sechage et café.

Jeudi 10 Août

Arrivée avec le lever du soleil à Valparaiso. Ma carte du Lonely en main, je trace vers l'Hostal Mitico, rencardée par Lison. Il pleut sa race, c'est pas à côté, j'arrive trempé. A l'accueil, deux français, un fait un tour du monde, l'autre l'Amérique latine, ils ont bloqué sur Valparaiso, ça fait plusieurs mois qu'ils sont là, ils financent leur séjour en bossant à l'auberge. Dortoir de 8, pas cher, petit dej' compris (avec du caramel au beurre salé fait maison, un des deux ñecs est de Saint-Malo). Quand je ressors, il ne pleut plus, la ville sait accueillir.Tous les potos qui sont venus au Chili m'en ont fait l'éloge et c'est vrai que j'en tombe aussi amoureux. Chaotique, prolo, murs tatoués ras-la-gueule, éclatante de vie et de couleurs, si je dois quitter un jour Marseille, ça sera pour Valpo. 

La ville est construite autour de ses collines, les cerros, qui sont autant de quartiers. Du coup, hors de question d'avoir une géographie quadrillée comme les autres villes, tout est rues sinueuses, passajes tortueux, escaliers de sa race et funiculaire. Même avec mon plutôt bon sens de l'orientation, j'ai mis le temps pour choper l'esprit (je suis persuadé que la symbiose urbaine correspond à des zones de notre spiritualité en friche). Mais de toute façon, quel plaisir de s'y perdre, de choper un passaje au hasard et voir où ça nous mène.On en prend plein les mirettes, des bâtisses classe mais branlantes, de toutes les couleurs et des graffs partout, de chez partout. Cette ville est encore plus encrée que le plus endurcit des taulards russes. Y en a de tous les styles, de l'artistique, du politique, du religieux, de toutes les couleurs. Putain, dire que chez nous on préfère les murs morts. 

On est pas du tout dans une ville muséifiée, les cerros en question sont hyper populo, avec deux trois trucs gaucho-artisto-ecolo, mais c'est c'est loin de la boboïsation. Après avoir pas mal vagabonder, longer le port à containers je prendrais mon seul funiculaire, le plus branlant, l'Ascensor Artilleria. Je retrace au hasard, parcours le cimetière sur un cerro central, chope d'autre point de vue qui en jette (et ça muscle les cuisses à force de monter). Je chope du poulpe à une poissonnerie pour le soir et vais bidulneter mes aventures avant de rentrer à l'aj.

Vendredi 11 Août

Même si on est 8 dans le dortoir et que je suis le plus vieux, pas eu besoin de faire le vieux grincheux, ces jeunes se sont montrés raisonable. Aujourd'hui direction Isla Negra, pour visiter la dernière maison de Neruda. Je profite du passage à la gare routière pour prendre mon billet pour La Serena lundi, dernière étape avant Santiago. L'heure et demie en bus est des plus agréable, de beaux paysages verts, des vignes (grosse région vinicole, oui j'en ramènerais à Marseille, non je prends pas de commande). Arrivée à Isla Negra au bord au Pacifique, des putains de grosses vagues.La maison est en front de mer, Neruda l'a aménagé en continue, ajoutant des pièces, en transformant d'autres. Des coquillages sont fixés dans le sol du hall d'entrée. Le premier salon contient a collection de figures de proues (il était fasciné par la mer et les bateaux, même s'il ne naviguait pas beaucoup). Des longues vues dans presque toutes les pièces pour observer la mer. Pablo collectionnait pas mal de choses (coquillages, livres, bateaux dans des bouteilles, masques ...), mais les agencements dans les pièces ne sonnent pas comme un musée. Des verres, verts et rouges, car il disait que l'eau a un meilleur goût avec cette couleur. Comme dans toutes les pièces, les fenêtres vers la mer prennent l'essentiel du mur. L'architecture des pièces rappelle celle des bateaux. Un bar magnifique face à la mer. 

Dans le deuxième batiment, tout en longueur, comme des wagons de train, ou le Chili, se succèdent bureaux, bibliothèque, salon. Ouverte vers la mer et chaleureuse avec tout ce bois et cette pière. Un cheval garndeur nature, enseigne de la ville de son enfance, qu'il a racheté des décénies plus tard, car il la caressait tous les jours en allant à l'école. Elle avait souffert d'un incendie, lors de la fête qu'il organise pour accueillir le cheval, ses amis lui offrent des queues en crins pour remplacer celle qui a disparue. Pour ne vexer personne, il placera les trois sur le cheval. La dernière pièce est un petit bureau, ouvert sur la mer, dessus une main sculptée, la copie de celle de Matilde sa dernière femme, des stylos à encre vert, la seule couleur avec laquelle il écrivait. Dehors, un bateau, fixé au sol, qu'il utilisait pour les apéros, une énorme cloche pour prévenir les voisins quand il rentrait, une machine à vapeur utilisé dans les mines qui lui rappelait le train de son père qui était cheminot. La tombe de Pablo et Matilde, face à la mer, évidement. Vraiment une piaule unique, bloquante.

Retour sur Valpo, je comptais continuer mon exploration des grafs, mais grosse pluie en ce milieu d'après-midi, du coup je monomaniquise avec la visite de la maison de Neruda en ville. Je me tape la putain de pente de la rue Ferrari (pas celle du Poste à Galène, l'autre) et je comprends les funiculaires. D'autant qu'avec la pluie, ben l'eau dévale sec. Arrivé à la Sebastiana, il ne pleut plus. Autant Isla Negra ets en longueur, autant celle-ci est en hauteur, une voire deux pièces par étages. Toujours des fresques en pierre d'une amie artistes (ici la carte de la Patagonie dans l'escalier (il collectionnait aussi les cartes anciennes de l'Amérique du Sud). Grosse claque avec le salon, les murs ne sont que fenêtres avec une putain de vue panoramique sur Valparaiso. La première partie du salon est circulaire, dans un coin un cheval de manège qu'il a ramené de Paris, posé là comme s'il était en mouvement. Un très beau bar, avec à côté des toilettes avec porte en fer forgée pour les moins prudes. La chambre à l'étage suivant est toute aussi ouverte sur la mer, de même que le bureau au dernier étage, avec les incontournables stylos à encre verte et une giganetsque carte du XVIIe des Amériques. Très différente mais toute aussi bloquante que Isla Negra. Je rentre ensuite à l'aj, déambulant dans les rue, entre graffs et pointe de vue sur la ville, le soleil se couche, magnifique lumière.

Ce soir, il y a un concert. Huits groupes du rocksteady au surf en passant par le punk sur le programme. Comme je suis plutôt futé, je me dis que je vais quand même me faire un vrai repas, histoire d'éponger un peu à l'avance et de durer longtemps. Ma tactique brevetée de restau en action (quartier populo, des vieux en majorité comme clients ...) marche au delà de mes espérances, je tombe sur un avec pleins de petites salles et des nappes à carreaux rouge et blanc. Attention, les bobos aiment bien ce vintage, mais là tu sens que les tauliers n'imaginent pas une seule seconde qu'on puisse mettre autre chose. Touche supplémentaire, hélas, la musique variétoche en fond (dont une reprise de Titanic en espagnol ...). Je commande un bife a lo pobre pour assurer (à savoir un beefsteack, des frites, des oignos frits et un oeuf par dessus, histoire de...). Je commande un Pisco Sour en attendant. C'est le cocktail traditionnel chilien à base d'eau-de-vie de raison, citron ver, blanc d'oeuf ... Erreur fatale. Le plat, débordant pourtant de frites, ne suffit pas à éponger le truc et j'arrive entamé au squatt. 

Début de la soirée annoncée à 21h, j'arrive donc à 22h et évidemment ça a pas commencé (y a des choses qui changent pas où que tu sois dsns le monde). C'est en sous-sol, on descends par un escalier en bois pas très assuré, vaste salle, en friche, une scène, des gradins en bois, pas mal de recoins, un stand de distro (j'ai chopé des autocollants). Public très jeune, une petite vingtaine à tout casser, pas mal de punks à chiens sans chiens. C'est très looké et pas mal alccolisé. Ils essaieront de rentrer en communication, mais leur anglais est encore pire que le miens, mais ça les fait délirer que je sois français, tatoué et que je comprenne "borracho". Du coup, ils mne tendront plusieurs fois leur cubi de rhum arrangé. Y a un bar, mais la plupart viennent avec leurs bouteilles et cubis. La soirée commence plutôt cabaret avec des numéros de claquettes, prestidigitateur, jongle, théatre de rue, jongle de feu ... Tout ça tendance punk. Forcément, le Monsieur loyal magicien me choisira pour un numéro et le fait que je comprenne que dalle, les fera rire et me mascottera pour la soirée. 

Les concerts commencent avec un bon groupe rocksteady avec des influences latinos. Y sont un moulon sur scène et assurent. Ca pogote beaucoup mais vraiment mixte et bon enfant. Les français qui bossent à l'auberge débarquent et hallucinent de me voir là, me demandant comment j'ai su. J'explique que la recherche d'affiches de concerts fait un peu partie de mon CV. Les groupes se succèdent, majoritairement rocksteady, même si y en a un ramonsien et un autre plus noise (mes postures en frontline impressioneront d'ailleurs un jeune punk d'un beau gabarit complètement ivre et je deviendrais son meilleur copain, caramba). Entre les groupes un dj set plutôt 80's gentillet (Heart of glass, Rock the Casbah, Boys don't cry, Enjoy the silence ..). Les groupes sont inégaux, mais l'ambiance est des plus sympathique. L'avant dernier balance un espèce d'Eagles, pas ma came, je décide de rentrer, il est 5h30 du mat' ... J'arrive à l'aj à 6h sans me perdre.

Samedi 12 Août

Levé à 11h sans trop de bobo tête, café et caramel, avant de sortir. Bon plan, soleil de sa race. Je décide de me faire les cerros à l'est de la ville, je trace pas mal, casque vissé aux oreilles (de Cat Power à dEus). Je trace pas mal, c'est pas à côté, quartier vraiment populo (je serais le seul à prendre des photos dans ce coin de la ville). Un ascenceur monte en haut du Cerro Polanco, une putain de vue sur la ville d'en haut. En descendant, des graffs qui déchirent. Vu qu'on est samedi, j'enchaîne avec le Cerro Baron et l'église rouge de San Fracisco. 

Pause avec un beau mirador sur le port, puis je retraverse la ville en deambulant pour aller au Cerro Artillera, à l'opposée de la baie. Ce qui me prend le reste de l'après-midi et me fait traverser de nombreux quartiers, avec fresque, passaje et escaliers. Je reletivise un peu ce que j'ai écrit mercredi, y a quelques endroits au Cerro Concepcion qui surfent sur le tourisme street art, avec deux, trois rues avec un (léger) côté Montmartre. Mais il est très facile de s'éloigner un peu et tomber sur de belles pièces. 

Dimanche 13 Août

Levé tôt pour profiter de mon dernier jour à Valpo. Je croise une partie des français qui rentrent après un dernier concert dans la rue, il est 8h (du mat'). Cette fois direction l'ouest. Je traverse quelques cerros par des rues, et donc des graphs, non parcourues et longe le port puis la côte en sortant de la ville. Toujours un très beau temps. C'est dimanche, ça joggue pas mal, étrangement beaucoup de japonais. De belles criques, des cormorans. Au bout de trois heures, retour et halte dans un restau qui surplombe une petite jetée avec des bateaux de pêche. Un ceviche et un reineta a la plancha pour slurper sa race et je continue jusqu'au port principal pour la petite sortie en bateau dans la baie. De là on voit vraiment la structurion en cerros, on passe devant des phoques qui squattent une jetée abandonée et deux bateaux militaires avec drapeaux japonais (d'où les joggueurs du matin). Dernière déambulation jusqu'au coucher du soleil, puis retour à l'auberge. Complète de chez complète, des chiliens, argentins, français et autres allemands. Je m'éclipserais de la salle commune à minuit et éviter de faire un attentat musical, les allemands présents ayant des goûts de chiotte.  


Lundi 14 Août


Levé tôt, mon bus part à 10h, envie de profiter encore un peu de cette ville envoûtante. Y a degun, les cerros et les murals sont rien que pour moi. Je prends un café avec une belle vue, chope mon sac à l'auberge et direction la gare routière où j'arrive avec un quart d'heure d'avance. Sauf que j'ai manqué le bus, on a changé d'heure dans la nuit et il est 11h ... Mon "caramba !" fera rire la guichetière, du coup je poireaute quasiement deux heures au terminal et arrive à la nuit tombée à la Serena. Heureusement de beaux paysages côtiers durant le voyage.  


Mardi 15 Août

Le jour ne s'est pas encore levé mais moi oui. Dernière tentative pour voir des pingouins, même si c'est toujours pas la saison, la reserva nacional Pingüïno de Humboldt. Petit combi chargé ras-la-gueule, on traverse de beaux paysages désertiques (cactus, collines, lamas ..), on prend une piste qui s'enfonce vers la côte, on traverse deux petits villages, ça ressemble au bout du monde. Arrivée à un port dont l'activité principale est tournée vers la visite de l'Isla Damas. Il y a un port de pêche à côté où Franck m'a donné un plan pour aller à une autre île plus éloignée mais ils m'ont répondu la veille qu'ils ne sortiront pas à cause du temps. Grosses vagues et petites embarcations, ici aussi les sorties sont compromises mais auront finalement lieu. On bouffe bien de l'Ocean durant la traversée. L'Isla Damas est une petite île, mais vraiment agréable, ça le fait toujours de se retrouver sur un bout de rocher paumé. Bien évidement pas un seul pinguin. On reprend le bateau pour contourner une autre île, de nombreux phoques et cormorans, et ô joie, trois petits pinguins paumés. Retour qui tangue bien puis deux heurs de combis pour la Serena. Le désert se pare de vert (je manque le désert fleuri qui a lieu à la fin du mois).

Mercredi 16 Août

Combi pour explorer la Valle de Elqui, haut lieu de production du pisco, la liqueur nationale. Beaucoup de brume matinale, c'est lié au micro-climat local. Elle se lèvera quand on arrive à un barrage, ce qui offre une belle vue sur le lac, les collines aux différentes teintes de vert et les cactus. A partir de là, paysages qui tuent leur race, les couleurs allant du vert, au cuivre en passant par la terre. Arrivée à la petite ville de Vicunia qui se trouve au milieu de cet enchantement. Je me promets d'y revenir le lendemain pour y randonner. La visite du musée Gabriela Mistral, poêtesse chilienne engagée et Prix Nobel. Visite ensuite d'une distillerie de pisco et d'une de pinard (certains sont vraiment trop sucrés pour mon palais de français). Trois villages traversés, c'est toujours aussi beau. 

Le soir direction un observatoire astronomique. Le coin en concentre une 10aine, dont certains à la pointe de la recherche scientifique, la région étant un des meilleurs lieux d'observation au monde. D'ailleurs, on y recense aussi un record d'observation d'Ovnis ... Le combi crapahute à flanc de colline dans la nuit. Il s'agit d'un observatoire non scientifique, destiné à la vulgarisation. A peine arrivés, on comprend, la voute céleste est vraiment envoûtante ici. La voie lactée traverse tout le ciel. Avant d'approcher le télescope, un guide nous fera "l'astronomie pour les nuls", passionnant, le laser étant bien pratique pour pointer planètes, étoiles et constellations (le scorpion est parfaitement clair). Forcement dès que des points lumineux qui bougent apparaissent, la machine à fantasmes s'emballe (d'autant que le guide éssaie de nous faire croire qu'il s'agit d'avions. On ne me la fait pas...). On grimpe dans la tour du télescope, rien que la vision du truc (il est pourtant pas très grand) et l'ouverture de la coupole qui tourne dans un grand bruit, ça pause l'ambiance. On pourra observer Jupiter, Saturne (les anneaux dans la lunette, ça ma foutu un frisson de gosse) et des étoiles aux noms qui te téléportent sur le pont de l'Entreprise (celle de Star Trek, pas de Gattaz). Bien bloquant. retour dans la nuit profonde, avec les notes de Rencontres du 3e type dans la tronche.

Jeudi 17 Août

Comme prévu, je prends un bus pour Vicuna, toujours la brume matinale qui se dissippe quand j'arrive. Après une première étude à vue de pif, je mets en place le globalement c'est par là et prends un chemin de terre à la sortie du bled. Bonne pioche, je passerais des heures à serpenter entre les collines multicolores, les plantations, les chevaux et les cactus. Soleil de sa race, je souffre un peu mais c'est vraiment magnifique, du coup ça aére bien la tronche.Retour à la Serena, j'ai un bus de nuit pour Santiago qui part à minuit. Je tape les derniers jours de ces carnets, note les instruction de Sandrine pour débarquer à son appart avant d'aller me faire un pisco sour et une plancha en compagnie de Pablo. 

Pleins d'autres photos ici :  Album photos Argentine - Chili