Ecosse 2023 : Orcades & Shetland


Ecosse 2023 :

 Orcades & Shetland


20 juillet

Arrivé à Edinburgh en fin d'aprèm, le temps de poser le sac (19 kilos selon l'aéroport) à l'auberge de jeunesse en plein vieille ville, et surtout d'aller choper une bouteille de gaz dans un magasin repéré avant le départ. Smic oblige, ça sera encore un voyage en autonomie, essentiellement du bivouac, des biscuits, bananes et soupes déshydratées. Façon j'avais pas prévu le tour des palaces mais surtout des sites de pierres levées et autre tumulus. Ca m'est venu comme ça en pensant à ce que je voulais faire de mon été, et après quelques renseignements, merci Jackie du SoD, le choix s'est porté sur les Orcades, une des régions d'Europe avec le plus de sites préhistoriques.

Mais, en attendant, les vieilles pierres d'Edinburgh c'est plutôt châteaux, cathédrales et compagnie, que je repère pour mon retour, là c'est trop tard. Toujours un temps d'adaptation pour regarder quand tu traverses vu la conduite à droite. Après avoir visité le quartier historique, je monte sur Calton Hill, un des nombreux parcs de la ville, où, en plus d'une tour un peu zarb' en hommage à Nelson, l'architecte s'est fait un trip antico-acropole. La vue sur l'ensemble de la ville vaut le détour, je me pose un peu pour réviser le trajet du lendemain, redescends grignoter dans un parc proche de l'aj et vais me coucher tôt pour rattraper mon retard sur le sommeil.

21 juillet

Levé tôt pour un café et une ballade matinale avant d'aller à la gare routière avec mon barda sur le dos. Direction Inverness pour une première étape, certes quatre heures de bus mais au travers de paysages qui réjouissent la rétine. J'en profite pour gamberger et peaufiner mon périple. Un retard fera que j'aurais moins de cinq minutes pour choper la dernière place pour la correspondance pour Scrabster, tout au nord de l'Ecosse. Trois nouvelles heures de bus, à travers les Highlands, y a plus moche. Entre deux savourages de paysages, j'attaque "Le monde inverti" de Christopher Priest, un des nombreux classiques de SF que j'ai pas encore lu. Et ouais, comme à chaque voyage, je continue à emporter des livres physiques. 

Arrivés en début de soirée pour embarquer dans le ferry, une heure et demie de traversée du détroit pour se mettre dans l'ambiance maritime, les Orcades étant au moins autant viking qu'écossaises. On croise au large du Old man of Hoy, un pilier rocheux, but de ma rando du lendemain. Arrivée à 20h30 en vue de Stromness, petit port au charme indéniable, je longe le front de mer et ses rues minérales pour aller poser ma tente au camping face à la baie. Un spot agréable pour déguster une soupe aux légumes et bouquiner.

22 juillet

Levé tôt, le village est encore endormi et quasi désert. Je chope mon thermos de café et vais me planter de l'autre côté du port, en attendant mon ferry pour l'île de Hoy qui veut dire "Haute île" en norrois, ca ne vient donc pas de l'espagnol "maintenant" ou du skinhead "cette douce musique me ravit les oreilles." Les Orcades étant un archipel, les ferry c'est un peu leur truc. Celui là est de taille mini, la traversée prenant moins d'une demi-heure. En passant, les îles sont pas bien grande, Mainland, l'île principale où se situe Stromness, ne fait pas plus de 30km dans sa plus grande largeur. Hoy, comme son nom l'indique, possède les plus grandes hauteurs mais dans l'ensemble les paysage sont plutôt plat, on parle plus de collines que de montagnes, en passant par les magnifiques falaises qui les enserrent. Direction donc le Old Man of Hoy, à travers ces paysages aux 50 nuances de vert, entre collines, bruyères et tourbières.

Dans la deuxième partie, cela sera crètes de falaises déchiquetées et bien plus arides. Je ne le savais pas mais les Orcades comme les Shetland, sont un paradis pour les ornithologues, offrant de nombreux sites protégés par le Royal Society Protection of Birds (la Table Ronde des Chevaliers Macareux si mon anglais est toujours aussi bon). Et il y a donc des zoiseaux partout. Des blancs aux ailes grises (fulmar) qui s'éclatent en faisant des looping depuis les falaises, des tout blanc (artic tern) qui plongent en piquet dans la mer et des tout noir qui frôlent la surface de l'eau en accompagnant les ferry (une ornitho marseillaise m'a soufflé cormoran, j'aurais dit une espèce de buse pourtant).

M'aérant bien la tronche au vu des paysages traversés, j'arrive au Old Man, encore plus impressionnant côté terre. Il s'élève face à la falaise, majestueux, entouré de zoiseaux. Il fait 137 mètres, ça peut vous servir pour le trivial poursuite. Je reste un bon moment face au vénérable vieux monsieur, un bon spot de pique-nique. Le retour permet de traverser l'autre côté de la colline, avec de plus nombreux cours d'eau. La terre est humide et boueuse par endroit, mais je n'aurais droit qu'à une petite bruine et pas longtemps. J'arrive au quai, il y a peu de passage pour l'île, j'ai le temps de finir mon bouquin sur la jetée, ce qui est plutôt agréable.

De retour à Stromness en début de soirée, je m'aperçois qu'une bonne partie de la ville est dehors, beaucoup d'ados et d'adultes mais quasi dégun dans la tranche 18-35 ans comme souvent dans les petits bleds. Ca picole, et soudain y a un défilé dans l'étroite rue principale. Ca commence classique avec le pipe band de la ville, des gens déguisés en viking mais ça dégénère vite, le thème de l'année étant "Barbie" (sortie du film, tout ça) avec pas moins de 3-4 chars dans le thème, tirés par des tracteurs. Je suis trop aéré de la tronche pour apprécier, je fuis, histoire de me faire une soupe au calme face à Hoy.

23 juillet

On est quand même bien au nord, les nuits sont bien lumineuse. 4h du mat' et il fait jour, je grogne, tire mon duvet sur la tronche et me rendors pour un réveil plus décent. Pliage de tente, thermos de café, et en route sur le West coast trail. Ce qui veut dire une belle journée de marche le long des hauteurs des falaises, forcément déchiquetées, et souvent bien bloquant. Moulon d'oiseaux toujours. Des moutons, des vaches et des ch'tits lapins qui gambadent. Car si le front de falaises est bien aride, si il y a peu d'arbres dans l'archipel, l'élevage est bien développé et au moins autant présent que la pêche. 

Je croise quasi dégun, sinon un joggeur qui se révèlera être un français vivant à Stromness depuis 9 ans. Il est ingénieur en énergie renouvelable, un secteur très présent aux Orcades. On tchatche un petit moment, puis il continue à son rythme (étrangement avec mes 20 kilos sur le dos, je cours pas. Façon je cours jamais sauf quand j'ai les flics au cul). Je ferais des pause café face à ces paysages enchanteurs durant les 19km qui me séparent de Skara Brae.

Village néolithique de 5000 ans (donc plus vieux que Stonehenge et les Pyramides, toujours pour Trivial poursuit), c'est un site quasi unique car regroupant un ensemble d'habitation alors que la grande majorité de ce qui nous est parvenu de l'époque sont des sites religieux. En bord de mer, ce qui n'était pas le cas à l'époque, érosion oblige, Skara Brae été redécouvert en 19500, enfoui sous le sable et donc relativement protégé. C'est assez impressionnant de parcourir ce petit espace au milieu de ces bâtiments, entre habitat collectif avec foyer central, lits en pierre et étagères du même acabit, on réalise que ces femmes et hommes préhistoriques étaient bien plus évolués que dans notre imaginaire. 

Un musée bien foutu complète la visite. Les geeks se rappelleront que Skara Brae avait été donné pour nom la ville de The Bard's Tale, un des premiers jeux de rôle informatique des 80;s. A noter qu'étant venu à pied, je suis rentré sur le site "à la marseillaise" via la côte, en esquivant la billetterie, tout ça à l'insu de mon plein grès. La filouterie marseillaise est un atavisme.

Bien scotché par ce voyage dans le temps, la journée étant bien avancée, je décide de continuer pour trouver un joli spot pour planter la tente. Ce qui sera fait face à la mer, après avoir salué quelques troupeaux de vaches qui ont m'ont accompagné un moment en longeant leur mur de pierre (elles doivent pas voir grand monde, le west coast road étant peu fréquenté). Au fait, toujours pas de pluie malgré les prévisions apocalyptiques vues avant mon départ de Marseille. C'est donc dans une relative sérénité que j'attaque "L'ours et le rossignol" de Katherine Arden, des contes fantastiques dans la Rus' médiévale. 

24 juillet

Une bonne nuit de sommeil, en chauffant mon café, je vois moulon de ch'tits lapins qui s'éparpillent. Blanche-Neige style. Lorsque je plie la tente, une légère bruine tombe mais elle durera pas. Je continue donc le West coast trail. J'y croise quasi personne, j'ai vu une seule autre tente en bivouac alors que la loi écossaise l'autorise et que les Orcades s'y prête. Le chemin suit toujours les falaises, longeant les champs clôturés où broutent les vaches et moutons. 

Mais c'est surtout le pays des ch'tits lapins, ça saute dans tous les sens lorsque j'avance. Et forcement quand tu voyages seul, tu commences à parler aux animaux et j'entame un dialogue avec eux. La deuxième phase commence après 15 jours où tu discutes avec les lutins et autres korrigans chez moi elle se déclenche plus tôt) et la dernière c'est quand tu expliques ça aux infirmiers psy à ton retour. Mais bon, les lecteurs de l'excellente bd "Algernon Woodcock", qui se déroule d'ailleurs en Ecosse, savent bien que lapins et Petit Peuple sont étroitement liés.

Bref, je continue ma rando le long de ces superbes paysages (avec mes potes les ch'tits lapins donc) jusqu'à une grosse falaise sur laquelle est construite une tour, qui s'avèrera un memorial en hommage à un bateau coulé par une mine allemande lors de la première guerre mondiale avec plusieurs centaines de morts et seulement douze survivants. Quelle connerie la guerre. Je bloquerais surtout sur les acrobaties des zoiseaux qui s'élancent de la falaise et s'amusent comme des petits fous. Ils ont du courage ces zoiseaux comme dirait Dominique, vu le vent qu'il fait. Mais ils font avec, l'intégrant dans leur trip, planant parfois sur place. Un ballet bien bloquant que seule une fine pluie viendra interrompre.

 Je continue et ça commence à descendre vers le petit village de Bersay avec son palais en ruine d'un tyran local et son île atteignable par marée basse où trône un phare construit par le padre de Stevenson (celui de l'Île au trésor et du chemin dans les Cévennes). Trop tard pour la marée basse, je piquenique face à l'île. Je continue en logeant la côte nord, maintenant c'est le St Magnus trail, encore un chemin de pèlerinage. Plus de ch'tits lapins, des moulons de moutons par contre et un vent de sa race. Ce qui renforce l'ambiance avec fracassage de vagues sur les falaises (déchiquetées, je sais pas si je l'ai précisé).

Mine de rien ça fait pas mal d'heures dans les papattes, mais je veux voir le Broch of Gurness. Les broch sont des tours rondes construites entre 1100 et 100 avant Jean-Claude. Je prends un chemin qui, fatigue aidant, me semble ne jamais finir, mais vu que je longe la mer avec l'île de Roussay en face, c'est loin d'être insupportable. J'arrive sur le site à 18h30, fermé depuis une heure .... Vu qu'il n'y qu'un tourniquet et que, bon, ben, Marseille tout ça, je m'offre une visite gratos, et je suis pas le seul. Même s'il ne reste que trois mètres de la tour qui devait en faire treize à l'origine, c'est assez impressionnant, face à la mer, d'autant qu'il reste des traces de l'allée qui y mène et d'un sépulture. Crevé et vu la beauté du site, je plante ma tente face à Roussay, ma destination du lendemain et continue les aventures de Vassia, sorcière en devenir dans la Rus' médiévale.

25 juillet

Levé tôt face au Broch, chopage de bus (c'est toujours bizarre de faire en 20 minutes la distance sur laquelle tu as marché une demi-journée, mais sans les falaises et sans les ballets de zoiseaux). Le chauffeur doit apprécier mon côté hirsute, il ne me fait pas payer. Chopage de ferry pour une petite traversée d'une demi-heure jusqu'à Roussay. En débarquant je m'aperçois que mon appareil photo est mort, me prends une bonne pluie et en arrivant au camping à la ferme pas cher que j'avais repéré, ben il est complet. La chance aurait-elle tournée ? Les ch'tits lapins auraient-ils mal fait les messagers auprès du Petit Peuple ? Que nenni, alors que je dis à la fermière du camping que c'est pas grave, que j'ai l'habitude de camper outside et que les ch'tits lapins sont taquins c'est bien connu, elle me fait signe de la suivre, d'embarquer dans son camion et me mène tout prêt du débarcadère du ferry, en me disant que je peux planter ma tente dans ce joli pré à côté des moutons, et qu'à côté il y a un local ouvert avec thé, café en libre service, toilettes, prises et chargeurs et que même si ça ferme normalement à 18h30, il le laiseront ouvert pour moi ce soir, tout ça pour une donation prix libre à laisser en partant si je veux .. Il ne faut jamais douter des ch'tits lapins !

Tente plantée avec le soleil qui revient, c'est donc tout léger que j'attaque le tour de Roussay. L'île est basse, pas de falaises ni de zoiseaux donc. Quelques collines et pas mal de troupeaux de moutons. Mais l'île est surtout connue pour ses cairn / tumulus, une série de tombes préhistoriques parmi les plus impressionnantes de l'archipel qui n'en est pas avare. Le chemin est appréciable, face à la mer et à Mainland toute proche. Les côtes s'enfoncent paresseusement dans la mer en de douces pentes. Je chercherais un bon moment le premier tumulus que, tel David Vincent, je ne trouverais jamais (les écossais balisent aussi bien que les islandais de l'ouest, cf. un épisode précédent de ces carnets). Mais mes errements dans les collines me permettront d'avoir de jolis points de vue depuis les hauteurs. Un peu dépité, je rejoints la route principale (et unique) qui fait le tour de l'île pour choper le prochain tumulus. Ah, au fait, pour répondre à une question de Jean-Pierre Liégeois, jeune lecteur du Var, les Orcades se prêtent bien au vélo, c'est relativement plat et les distances sont courtes, mais faut savoir tenir face a vent. Par contre les chemins côtiers que j'ai emprunté les jours précédents c'est seulement pour les piétons. Fin de la parenthèse, d'autant que je refuse toujours d'utiliser ces instruments du diable (cf. épisode précédent en Chine).

Je parviens à mon premier tumulus, relativement bien préservé et que tu peux explorer. Un panneau file quelques explications, et notamment le date d'environ 5400 avant John Carpenter, ce qui ne nous rajeunit pas. La musique d'Indiana Jones résonne dans ma tête et je ressors sans avoir déclenché une quelconque malédiction, si ce n'est que j'ai paumé mes bâtons de marche durant cette journée, et que ça, ça fait chier. La route continue, le temps alterne entre soleil et fine pluie. En Ecosse, comme en Irlande, tu passes tes journées à alterner entre tee-shirt, tee-shirt et k-way, et tee-shirt, polaire et k-way, selon la saison du moment car les quatre s'enchevêtrent sans cesse durant la journée. Après deux autres tumulus, les kilomètres s'enchaînant, j'arrive au "Great ship of Death", le Midhowe Cairn, le plus impressionnant de tous (sauf son nom en anglais aussi ridicule que celui d'un groupe de metal). 

Lui date de 3500 avant John Constantine et est vraiment immense (plusieurs compartiments qui contenaient les restes de 25 personnes). Il est en restauration, du coup on y déambule pas mais des échafaudages permettent de passer au dessus. Une présence certaine. Juste à côté, les ruines d'un broch, entourés d'une plage de plaques basaltiques, font face à celui de Gurness sur la rive de Mainland. Il me faudra un bon moment pour rentrer à mon sympathique spot, j'essaierais de retrouver mes bâtons en vain sur le trajet. Thé face à la mer et en compagnie des moutons, continuation des aventures de Vassia écartelée entre le petit peuple du nord de la Rus' médiévale et la foi chrétienne, avant d'aller piquer un somme, réveil tôt demain pour reprendre le premier ferry et partir au sud de Mainland.

26 juillet

Pliage de tente tôt mais sans pluie, je vais déguster mon café sur le quai, et étant bien en avance je continue mon roman. J'embarque dans le ferry retour pour Mainland et après une courte traversée, prends le bus pour Kirkwall, la capitale (mégalopole de 7000 habitants) que je traverserais sans plus, vu que j'ai à peine trois minutes de correspondance pour le bus qui trace à St Margaret's Hope qui se trouve sur South Ronaldsay, l'île la plus au sud-est de l'archipel. Un bus qui fonce sur une île ? Ben ouais, après qu'un sous-marin allemand ait encore coulé un navire britannique, Churchill fit construire des chaussées/digues entre quatre îles de l'archipel, qui servent aujourd'hui de route. C'est assez bizarre quand le bus s'y aventure, c'est étroit et entouré d'épaves de navires en décomposition. 

J'arrive tôt au port, sac à dos sur l'épaule, il me reste encore 15 bornes à parcourir pour atteindre mon objectif, Tomb of the Eagles, une tombe préhistorique à flanc de falaise. Ca claque. Il fait super beau mais j'aperçois un camping et je suis faible en me disant que les 30 kms aller-retour sans le sac à dos et la tente, c'est pas mal, d'autant que ça fait quelques jours que je bivouaque et donc une douche serait aussi la bienvenue. C'est un camping à la ferme, écotruc et pas cher. Super vue face à la mer et aux falaises (je suis pas encore blasé).

Une fois mon trois étoiles installé, je trace donc direction la pointe sud-est, à la fin des terres. Même si les falaises sont moins hautes, ça vaut le détour, pas de ch'tits lapins mais des troupeaux de vaches de toutes les couleurs (enfin noire, blanche, marron, de tout ça mélangé mais pas de rouge ou verte), je verrais quand même un veau avec la gueule de Rorasch des Watchmen. Les pentes s'amenuisent d'un côté et les paturages rejoignent nonchalamment la mer. J'arrive en vue de Burwick, le port le plus au sud. On voit l'Ecosse continentale (enfin je me comprends) juste en face. Pas de panneau pour la Tomb of the Eagles, mais j'ai ma carte, et pousse encore plus au bout du bout du monde, aperçois enfin un panneau, dépasse les confins du globe, enfin presque, et arrive enfin au Tomb of the Eagles. Dont le site est fermé. Définitivement ...

Bon, la ballade valait le coup mais je suis un peu dépité, d'autant qu'il me reste 15 bornes à refaire en sens inverse. Du coup je pousse jusqu'à la route et je lève le pouce et n'aurais à attendre que la troisième bagnole pour qu'une sympathique famille écossaise me dépose à St Margaret's Hope. Pour me réconforter de mon dépit, je me chope un pub face au port, commande une portion de frites et une bière du coin (ma première depuis une semaine) et en profites pour terminer "l'Ours et le Rossignol", mon conte Rus' et m'aperçois que c'est que le premier tome d'une trilogie .... Ma pile à lire va encore augmenter au retour. Une douche appréciée, une soupe dans la sympathique cuisine collective et direction la tente face au soleil couchant. 

27 Juillet

Une douche très matinale et direction le port pour choper un des premiers bus pour le centre de Mainland. Comme je compte aller sur les sites parmi les plus visités des Orcades, je vais tenter d'y parvenir avant les bus de touristes qui viennent de Kirkwall. On refranchit les ponts de Churchill, repasse par la capitale avant de continuer. Le bus me lâche à une station service proche de Maeshowe, un tombeau néolithique datant de plus de 5000 ans. Visite guidée obligatoire, le lieu est fermé et protégé contrairement à ceux de Roussay. Je ferais partie de la première équipe, on pénètre quasiment en rampant dans la principale pièce de quelques mètres carrées qui donne sur quatre petite chambres funéraires. Le guide a l'air très intéressant mais son débit de mitraillette et mon anglais lamentable me font lâcher l'affaire et laisser vagabonder mon attention.

 Les dalles qui on servi à la construction pèse plusieurs tonnes, on a du mal à imaginer l'ingénierie nécessaire. Lors du solstice d'hiver, le soleil couchant s'inscrit dans l'entrée, traverse le couloir de plusieurs mètres et vient frapper le mur du fond d tombeau, ce qui laisse supposer une utilisation religieuse du lieu. u 12è siècle, des vikings s'abritèrent d'une tempête de neige durant trois jours dans le tombeau et le graffitèrent. En plus de runes disant "Olaf was here" ou "La mère de Bjorn biiiiip des biiiiip au Valhalla", il y a un très beau dragon stylisé sur un des piliers. On ressort de là avec 'impression d'avoir fait un voyage dans une bulle temporelle.

Et ce n'est pas fini, en s'enfonce ans les terres, jusqu'à quatre majestueuses pierres levées, la plus haute atteignant les 6 mètres. Effilées, solennelles, elles dégagent quelque chose. A la base, elles étaient 12 en cercle. Un paysan du coin, pris d'un délire christique anti-païen en brisa deux au Moyen-Age, il fut maîtrisé et, étrangement, sa ferme pris deux fois feu ensuite. Plus tard, quelqu'un construisit un autel/dolmen avec les pierres brisées, pensant que c'était leur fonction d'origine mis cela fut contredit par les historiens. Les douze pierres étaient en cercle avec un foyer au milieu. Juste à côté a été découvert récemment un village néolithique qui ressemble à Skara Brae, laissant penser à une utilisation quotidienne du site sacré, à moins que ce soit le village des bâtisseurs.


En poursuivant le chemin dans l'espace et le temps, on abouti à la découverte la la plus récente, le village de Ness of Brodgar. Celui-ci était plus important, surement un centre religieux et/ou de pouvoir. Ce qui est intéressant, c'est que les fouilles continuent et on déambule atour du site où des archéologues sont en train de bosser. Apparemment c'est une découverte majeure qui révolutionne ce que l'on savait de l'époque (faut vérifier mais si j'ai bien compris ils adoraient les capybaras parce que c'est Cro-Mignon ...).

Dernière étape et non des moindre, le Ring of Brodgar, cercle de pierre dont il en reste 22 debout sur la 60aine d'origine. Comme c'est blindé de monde qui se selfise s race, je m'assois et j'applique la bonne vieille stratégie qui consiste d'attendre, non pas que le cadavre de mon ennemi descende le fleuve, mais tout simplement midi où les cars de touristes vont bouffer. Bingo, on se retrouve à une poignée sur le site. Et là, avec ce ciel bas, c'est la magie du lieu qui transpire. Un lieu habité comme l'ont été pour moi, entre autre, les pyramides de Tikal, Delphes, la mosquée-cathédrale de Cordoue ... J'y bloquerais un bon moment, repartant avant la fin de la pause déjeuner pour ne pas briser l'enchantement.

Bus retour pour Kirkwall, je vais sur le port pour vérifier l'heure de départ de mon ferry, tente de visiter la cathédrale mais renonce vu le monde (et j'embarque avant l'heure du repas du soir), j'en profite pour préparer la suite du voyage face à la mer, chope le ferry de Westray, l'île la plus au nord-ouest de l'archipel. Une heure et demi de traversée, puis vingt minutes de bus avant de poser la tente à Pierowall, petit port agréable en cette fin de journée.

28 juillet

Il a plut cette nuit et c'est très brumeux ce matin. Fog plus port d'une île isolée, parfait pour un début de rando lovecraftienne ! Je me provisionne pour le pique-nique au magasin qui fait tout du bled avant de longer plages et côte, ce qui ne fait que renforcer l'ambiance. On attend plus que des créatures monstrueuses surgissent des flots. 

Un petit détour pour visiter le château d'un autre tyran local, adepte des assassinats de ses rivaux. Plutôt bien conservé, le château, pas le tyran, très peu de fenêtres, jugées moins défensive que la 60aine de meurtrières. En ressortant, il pleut et en continuant la brume est omniprésente et réduit ach'ment la visibilité. Pour mon premier jour de météo écossaise, je décide de continuer, étant plutôt bien bâché. Je suis la côte comme indiqué par ma carte pour apercevoir un bon moment après, la silhouette fantomatique d'un phare qui se détache. Cette autre œuvre de tonton Stevenson était mon but de la matinée, et surtout signale le bord de la falaise ! 

Et, merci les ch'tits lapins, la brume se lève peu à peu, dévoilant cette côté bien déchirée et ses falaises où les vagues viennent se fracasser. Me rappelant la glauquitude absolue du film "The lighthouse", je ne m'attarde pas, on se sait jamais sur quelle sirène tomber. Je longe donc la crète des falaises vers le sud, retrouvant la majesté des paysages entre Stromness et Bersay. (et les ch'tits lapins en plus des oiseaux, vaches et moutons). La pluie reprend par intermittence mais rien de violent. Et ça donne de belles vagues se jetant sur les rochers en contrebas. Parfait pour la pause bouffe.

Les randos étant toujours aussi bien indiquées, à moins que ce soit mon blocage sur les paysages, je dépasse largement le passage qui auraient du me faire terminer la boucle, et trace bien vers le sud. Au bout d'un moment, je me dis que si ça continue, il faudra que ça cesse, surtout que revenir à Edinburgh à la nage ne fait pas partie de mon programme. Je monte sur une des rares collines et là c'est assez bluffant d'avoir une vue d'ensemble de l'île, on dirait une carte étalée sous mes pieds. Je coupe à travers champs, contourne moult pâturages barbelés, me fait attaquer plusieurs fois en piquet par un zoiseau agressif (mais depuis les kryra islandaises, je sais gérer) avant de retrouver le chemin de Pierowall. Mine de rien, ça fait 7 heures que je marche. Le soleil tape en cette fin d'après-midi (c'est la séance tee-shirt du mode trois couches de la journée), ce qui entraine une envie de glace, caramel au whisky et bouquinage (j'attaque Poker d'âmes de Tim Powers, pioché au hasard aux occas' de la Touriale) face à la mer.

29 Juillet

Ce matin, soleil. Le port de Pierowall m'apparaît très différent. Je me dirige vers l'appontement du petit ferry qui part pour l'île de Papa Westray (aka Papay), minuscule et toute proche. Il y a malgré tout un aérodrome et la liaison Westray / Papa Westray est la plus courte au monde avec ses deux minutes. Vu qu'il y a exceptionnellement une régate, les horaires que j'avais noté ne sont pas applicable du coup je squatte le stand de soutien aux sauveteurs en mer où leurs familles vendent café et patisseries maison. On embarque à deux dans le bateau, le 2e étant un habitant de Papay. Je vais pas être emmerdé par la foule ... 

L'île fit 6,5km sur 1,5km, objectif en faire le tour avant le prochain ferry dans 8 heures. Il n'y a pas trop de hauteurs, et donc peu de falaises. Juste avant d'attaquer le sentier côtier, je tchatche avec un local sympa, qui s'est barré de Glasgow car trop de monde pour s'installer ici, il me dit que l'île abrite 70 habitants. Après avoir salué mes premiers troupeaux vaches et moutons, je longe la côte et tombe assez rapidement sur le Knap of Howar, les restes d'une maison néolithique, la plus vieille demeure d'Europe du Nord. Un mini Skara Brae mais sans touristes. Deux habitations qui communiquent entre elles par un petit tunnel, vraiment bien foutues. Du coup, j'y médite face à la mer, profitant de la sérénité du lieu.

Je reprends ma route, je croise toujours degun et son chien. Un peu plus loin, une très jolie petite chapelle, dédiée à St Boniface, un des principaux missionnaires de l'archipel. Le l'église sera longtemps un haut lieu de pèlerinage. Beaucoup de zoiseaux, qui font leurs ballets. Je bloquerais sur certains d'entre eux, c'est parfois hypnotique. Sur une mini falaise, je verrais des petits macareux cromignons, tandis que des sterns se lancent pour leurs acrobaties. Une zone de l'île est interdite pour les laisser nidifier en paix, du coup je ne ferais pas un vrai tour pour les laisser peinard. 

En reprenant le chemin sur la côte d'en face, je me ferais raser à plusieurs reprises à quelques centimètres du crâne par un stern arctique. Soit il aimait pas les crêtes, soit il y avait un nid proche. C'est de la même (sale) race que la kira qui m'avait défoncer le crâne en Islande. Du coup, je reprends les bon vieux réflexes d'agiter les bras en hauteur, tu as l'air con mais ta boite crânienne reste intacte. Une journée bien sereine, j'attends le ferry où on est toujours deux à embarquer, le matelot est sympa et je me fais un front de mer au port avant de m'effondrer dans la tente après cette bonne journée de marche.

30 juillet

Retour de la brume à Pierowall. J'attends le bus. Les îles vivant au rythme des ferrys, il y a des minibus qui attendent à l'arrivée de chaque bateau pour déposer les passagers à certains endroits, mais souvent à la demande car c'est bien la moitié de locaux à chaque fois. Et pareil, ces bus font le tour de l'île avant chaque départ pour celles et ceux qui embarquent. C'est dimanche, c'est blindé, ça sent la fin de week-end pour les familles, en très grande majorité écossaises. Grand soleil pour la traversée que je ferais sur le pont.

Une heure et demie plus tard, on débarque à Kirkwall où j'ai quelques heures d'attente avant un autre ferry pour une autre île. Cette fois il y a pas grand monde dans la cathédrale qui en impose. Des tombes avec tête de mort, de très beaux vitraux, une certaine majesté. Je me chope un cheddar fumé pour le pique-nique dans un parc où il y a un spectacle de danse. Le temps passe vite, juste le temps de choper une glace, forcément au whisky, avant de prendre le ferry de 16h pour Sanday.

Toujours un très beau temps pour la traversée qui dure pareil que celle de Westray, je chope le bus qui me dépose au camping pas cher que j'avais repéré. Vu sympa sur la mer, plantage de tente, petite marche de fin de journée pour se chauffer les gambettes après cette tranquille journée de transition.

31 Juillet

Le soleil est toujours au rendez-vous, je prends mon café en matant les cartes pour les randos, y a de quoi faire. Que des familles écossaises dans le camping, et le proprio me confirmera que les Orcades c'est un tourisme avant tout local. C'est parti pour the Holms of Fire, où on a trouvé une tombe viking il y a une dizaine d'années. L'île est plate, sans relief. Un peu de longeage de route, puis de paturages de moutons et j'arrive à ce bout de terre. A partir de là, je ne lâcherais plus la côte. Sanday, bloody euh, non, Sanday donc est connue pour ses plages de sable blanc et d'eau turquoise. Mais si tu trempes un bout de pied dedans, tu t'aperçois vite que tu n'es pas dans les Caraïbes ! Depuis mon arrivée dans l'archipel, je n'ai vu que deux enfants se baigner, enfin piquer une tête et ressortir illico. Cela n'empêche que c'est très beau, et comme d'hab', je suis absolument seul. A midi, je pourrais finir mon cheddar fumé bien slurp sur une des plages.

Je contourne une grande hanse à marée basse, et longe des paturages. Je m'amuse toujours autant avec les vaches, qui suivent et approchent très curieuses, mais fuit dès que je m'approche. Ca fait une espèce de chorégraphie. Et quand tu as un troupeau qui t'accompagne de chaque côté du chemin, c'est à la fois sympa et même beau quand chacun part en courant dans une direction opposée. Par contre, très peu d'interactions avec ces branleurs de moutons ! Pas de falaises donc, mais beaucoup de zoiseaux, dont de très petits que j'avais jamais vu, qui volent en escadrille en me faisant penser à des watoo-watoo (seuls les plus vieux d'entre vous savent de quoi il s'agit, et je parie qu'en ce moment même ils/elles cherchent à choper le générique sur internet en se disant "oh putain !"). Pas mal de marche, de belles plages et de ballets animaliers. En rentrant, je fais un crochet par "Lady village", soit quelques maisons, un commerce (où je choperais cheddar fumé et caramels aux whisky) et un tout petit musée bien foutu sur la faune locale, une autre histoire de bateau et sous-marin allemand. je bloquerais surtout sur une pierre picte qui a été retrouvé dans l'île où à côté d'une croix, il y a un dragon stylisé qui m'a bien plu. Ca pourrait bien se tatouer ça ...

Mine de rien, ça va faire plus de huit heures que je marche, je rentre au camping pour une douche bien méritée, réserver le ferry pour les Shetland, taper ces carnets avant la soupe du soir et un bouquinage face au soleil couchant.
1er Août

1er août 

Des nuages sombres au réveil pour ce dernier jour dans les Orcades. Le bus pour le ferry est toujours ponctuel et on assiste à l'arrivée du bateau au pier. Un bon gobelet de café chopé à la cafet' et je resterais sur le pont toute la traversée pour profiter du lent trajet jusqu'à Kirkwall, les îles défilant langoureusement. Le soleil étant de retour, je finirais même en tee-shirt.  

On débarque et la ville m'est familière, il faut dire qu'une capitale de 7000 habitants, c'est pas énorme. Fin de matinée à la chasse aux souvenirs made in Orkney, parce que les puffins c'est classe. Atelier d'écriture de cartes postales et pique-nique dans le parc du château. Direction le musée d'histoire des plus intéressant. je bloquerais une fois de plus sur les gravures pictes sur pierre, ce qui me conforte sur l'idée d'un tatouage. 

Un focus sur le jeu de 'ba' qui se pratique à Noel depuis le 17e siècle. C'est un mélange entre rugby et baston de rue où les habitants des quartiers du haut doivent apporter la balle dans un lieu des quartiers du bas et inversement. Ca ait beaucoup de monde, tous les coups semblent permis, l'alcool coule à flot et ça peut durer des heures. Et ça existe toujours !

Flânage et bouquinage en bord de mer, puis un fish and chips et une Scapa special sur le port. N'ayant plus l'habitude de manger gras, je décide de faire les 4km jusqu'au terminal de ferry pour les Shetland à pied, histoire de digérer, burps. Façon j'ai largement le temps, il part à 23h45, pour arriver à 7h. Et ça me fait un autre point de vue pour le coucher de soleil.

2 Août

Y a pas à dire, je dors quand même bien dans mon duvet que dans ce fauteuil de classe prolo avec ces émissions débiles en fond. Le bateau m'a quand même l'air bien vide. A moins que tout le monde soit en 1ere classe. Je monte sur le pont pour profiter de l'arrivée à Lerwick. Le temps est couvert, bon vent mais pas de pluie. Collines qui se jettent dans la mer, un phare solitaire puis le port apparait.

 La ville semble de même taille que Kirkwall. On débarque et je trace vers le centre proche. Une fois vérifié les horaires à la gare routière en sirotant un café, je profite des deux heures pour flâner. Je trouve que la ville a plus de charme que Kirkwall, Au Old Harbour ("nique tes morts"), des maisons sont au niveau de l'eau avec une jetée à côté. Je sors de la ville qui n'est effectivement pas bien grande pour aller au bout du cap tout proche, d'où il y a une belle vue sur la baie.

 Une fois de retour dans le centre, j'en profite pour choper un guide de rando plus complet que ce que j'ai et me reprendre des bâtons de marche (screugneugneu). Timing impec pour le bus. Celui-ci m'emmène vers le sud de Mainland (l'île principale donc comme dans les Orcades). La chauffeuse (il y a beaucoup de meufs qui sont à ce poste) est très sympa et rigole de ma prononciation, elle s'arrêtera sur le trajet pour filer un paquet à une habitante comme 25 ans avant sur Skye avec Peggy.

 Je plante ma tente, vérifie ma carte et c'est parti, après un jour et demi de glandage, faut relancer les gambettes. Les paysages sont plus vert ici. Très peu de vaches, pour l'instant deux seuls poneys, essentiellement des troupeaux de moutons. Toujours pas de soleil à l'horizon. Le guide de rando chopé ce matin est bien foutu, et je gère mieux l'anglais écrit qu'oral (heing ?).

J'arrive en vue de S Ninian's isle, reliée à la rive par une bande de sable qui forme une jolie plage, et pas de marée ici. La déambulation dans l'île est des plus agréable, au milieu des moutons qui s'éparpillent paresseusement à mon approche. La côte est bien déchiquetée, les oiseaux sont aux rendez-vous acrobatiques depuis les falaises. Le paysage est proche et à la fois différents des Orcades, les éperons rocheux, le temps lourd et gris, ce plateau isolé me mettent dans une ambiance viking, bien plus qu'aux Orcades où règne la sérénité. 

Une pluie fine m'accompagne mais rien de bien violent. Il y a les restes d'une abbaye où fut trouver les restes d'un trésor picte, comportant des bijoux aux beaux ornements celto-picte (tatouage, tout çaaaaa). Pas de pluie sur le chemin retour, mas toujours pas de soleil. Une averse en fin de journée, en face la côte émerge de la brume. J'en profite pour bosser un peu la suite de mes pérégrinations avec guide et cartes. Ca sera ensuite une soupe, du bouquinage et au lit, la rando de demain est plus costaud et surtout je manque de sommeil.

3 Août

Ciel toujours chargé mais pas de pluie. Direction la pointe sud de Mainland, Sumburgh Head. C'est tout en bas, on peut pas se tromper. Juste avant, il y a l'aéroport de l'île, et la route traverse la piste. Un agent fait attendre piétons et véhicules quand il y a décollage ou atterrissage. Il me dira que je peux y aller, mais sans m'arrêter. Je lui demande en souriant 'I have to run ?" et il rigole. 

Au début de la péninsule, il y a un fort en ruine, puis le chemin monte doucement vers la falaise où se trouve le phare sud de l'île. Vaches puis moutons bordent le trajet, la rive se fait de plus en plus escarpée, les oiseaux apparaissent. Et toujours ce vert très présent, qui peut parfois rappeler l'Irlande. Sur son piton le phare est idéalement situé. 

Une fois arrivé, après avoir maté des acrobaties aviaires, je me fais la visite du musée du phare, des plus intéressantes. En plus de l'histoire du phare, forcément construit par papy Stevenson, de son fonctionnement, du métier de gardien, où on apprend que la zone a vue de nombreux naufrages, y a toute une partie sur l'écologie et la faune. Les Shetland, et les Orcades, sont parcouru de courants marins chaud, ce qui explique la température clémente pour la latitude (60 degrés nord). Il fait rarement moins de zéro alors que c'est plus que fréquent à Leningrad situé à la même latitude. Et ouais je dis encore Leningrad si je veux. 

Et tant qu'à faire, pour continuer à se cultivationner, si les macareux ont le dos noir, c'est pour se planquer des oiseaux prédateurs quand ils survolent la mer, et le ventre blanc c'est pour que les poissons ne les voient pas venir. D'ailleurs un macareux en chope entre 10 et 15 dans son bec mais le record est de plus de 80 pour un macareux gourmand. Ah, on fait moins les marioles, hein ! Pour en finir avec la minute culturelle, en plus du phare, il y a deux bâtiments qui ont servi de radar durant la Deuxième guerre mondiale, et que même que c'est grâce à eux qu'a été évité un "Pearl Harbour britannique' car ils avaient repéré des bombardiers allemands qui se dirigeaient vers les Orcades où était stationnée le flotte anglaise. C'est donc largement moins con que je quitterais les lieux.

Je continue à longer la falaise, d'où de nombreux oiseaux s'éclatent mais je ne verrais ni phoques, ni baleines, qui fréquentent les lieux. Je croiserais par contre des moutons qui se sont trouvés un squatt bien peinard avec une super vue. Je m'installe pas loin pour mater les ballets d'oiseaux avant de redescendre vers un petit port. Et bien évidement tout cela avec ravissement des rétines à coup de falaise déchiquetées, de fracassage de vagues et de 50 nuances de vert. Je décide d'aller voir du côté de la péninsule d'en face, vu que sur ma carte y est indiqué un ancien broch. Après avoir traversé une plage blanche avec des oiseaux amateurs de piquets pas loin de mon crâne (c'est la fameuse angoisse de la plage blanche), je me pose au bout pour mon pique-nique à base de cheddar en matant une famille de zoiseaux qui se baignent.

En longeant la côte et en arrivant à ce petit bout de péninsule, le paysage me confirme que cela valait le détour, un plateau herbeux où broutent des moutons, clôturé par une côte de rochers (placez ici un synonyme de "déchiquetés" de votre choix), vagues chaotiques et broch en bout de falaise. Et pour parfaire l'ambiance, il se met à bruiner juste à ce moment alors qu'il n'y pas eu une goutte de la journée. Des images du "Vikings" avec Kirk Douglas que j'ai maté à la Dernière Séance avec mon grand-père me reviennent (aussi "Vick le Viking" mais ça fait moins classe). 

Manquait plus que la drakkar pour que je me reconvertisse illico. Du coup, je bloque plusieurs fois face à la mer (avec les rochers déchiquebiiiip et les vagues qui se fracabiiip). Ravi de ma journée, je la terminerais en bon viking, j'affronte une lessive devenue nécessaire puis en bouquinant avant la soupe du soir. 

4 Août


Ciel toujours gris, de la bruine quand je me mets en route. Je suis la côte, puis la route jusqu'au village de Sandwick, de là, je prends un chemin côtier avec falaises, oiseaux, vagues d'un côté et broch et moutons et de rares poneys de l'autre. Les moutons marronent surement que je squatte leur broch pour mon pique-nique. Le soleil se pointe même en début d'après-midi. Pour éviter les répétitions et mon vocabulaire paysager limité, je laisse parler les photos.

Je m'aère la tronche sur cette ballade, et mine de rien ça va faire un paquet d'heures que je suis parti, la journée est bien entamée. Pompon sur le poney, je tombe sur un café sympa dans un minuscule port. Du coup petite pause agréable avant de reprendre la route et me faire une longue plage de bouquinage en fin de journée. Peu d'aventures rocambolesques ce jour, désolé cher public, mais une journée des plus sereine.

5 Août

Soleil au lever. Je ne sais pas si c'est lié, mais c'est la première fois que je me fais emmerder par des moucherons en démontant la tente alors que j'ai bien provisionné en produits anti-midges. Mais ceux là non pas la férocité de ceux que j'avais rencontré en Laponie. Je prends un premier bus pour retourner à Lervick, et en attendant la correspondance pour Brae plus au nord, je vais visiter le musée, gratos et très intéressant niveau historique. Après les populations néolithiques dont il reste pas mal de traces ici et dans les Orcades, est venu le temps des rires et des chants des iles des Pictes qui se sont fait un peu laminer par les vikings quelques siècles plus tard et qui ont colonisé sévère puis les Orcades et les Shetland ont été offert en dot par le roi du Danemark quand sa fille a épousé le roi d'Écosse. Les deux archipels sont entre les deux héritages. En gros. A noter que pas mal de jeunes femmes des Shetland se sont fait exploiter comme domestiques dans l'écosse "continentale" aux 19e et 20e siècles.

J'embarque dans mon deuxièmes bus donc, et là premier orage de mon séjour, mais comme je suis à l'abri j'en profiterais même pas. Brae est à l'entrée du North Mainland, petit village bien sympathique situé dans une baie, avec la mer de chaque côté. Vu que l'après-midi est déj bien entamé lorsque j'ai planté ma tente, je baladerais en bord de mer, me posant pour analyser cartes et itinéraires. Ayant remarqué que la population locale squatte un fish & chips, je vais y commander mon repas du soir, bonne pioche, c'est du haddock slurpant. Bouquinage au port avant d'aller dodoter en vue de la grosse marche prévue le lendemain

6 Août

Un beau soleil ce matin, depuis trois semaines j'ai clairement beau temps. Une fois le café fini, je compte mes "cartouches" de kawa lyophilisé, c'est bon j'en ai assez pour terminer le voyage. Je me mets en route vers le sud, Muckle Roe, une petite île toute proche, reliée à Mainland par un pont. Je commence à suivre la petite route qui part de Brae, longe la baie, puis pénètre dans l'île. 

La mer sur la gauche, et les moutons pour seule compagnie. Une fois arrivée au sud de Muckle Roe, ce qui m'a déjà pris pas mal de temps, plus de route, un chemin de terre qui s'enfonce dans une contrée de tourbe, de fleurs violettes et de lochs, où s'égaillent les moutons. Le paysage est très différents de celui du sud. A la fois sauvage et apaisant, les lochs faisant office de miroir aux nuages percés par le soleil. 

Au bout d'un moment, une vue magique s'offre à moi, un loch, bordé par des falaises herbeuses et la mer juste derrière. Je bloque un petit moment avant de monter sur les falaises à droite, d'où j'aurais une vue sur les côtes déchirées. En passant merci à tou.te.s les participant.e.s à mon concours fessebouc "trouvons des synonymes de "déchiquetées"". Un endroit parfait pour un pique-nique, goutant à la sérénité de l'endroit, à rendre jaloux le Dalaï-lama et toutes ses incarnations réunies.

En me remettant en route, je me fais un devoir de parcourir tous les "doigts" de cette main rocheuse, les contours de la côte finissant souvent en cul-de-sac en forme de falaise. Des nombreux lochs se trouvent côté terre, leurs surfaces brillante faisant écho à celle de la mer. Je serais souvent émerveillé lors de cette rando, prenant bien plus de temps que nécessaire pour la parcourir. Mais le nécessaire ne faisait guère le poids face à la magie qui se dégage de Muckle Roe. 

Un dernier salut à un phare, puis je quitte ce petit coin de féérie, la route jusqu'à Brae, qui longe la baie, faisant office d'un sas apaisant vers la réalité. J'arrive en fin d'aprèm, le temps de me faire un apéro au cheddar tout en terminant les aventures de Scott Crane et sa partie de"Poker d'âmes" à Las Vegas. 

7 août

Toujours un soleil éclatant au lever. Direction le fin fond de l'isthme la plus au nord de Mainland. C'est un minibus qui fait le trajet, le chauffeur se révèle très sympa et me dit qu'on sera pas très nombreux. Il est anglais mais vit aux Shetland depuis plus de 20 ans par recherche du calme et amour de la pêche. La petite route que nous parcourons longe côte et lochs, c'est très beau et effectivement désert. La route devient rapidement a une voie, mais à part les moutons, on croise pas grand monde. Il est volubile, m'explique que l'hiver c'est compliqué avec le vent, qu'à tel endroit je pourrais voir des phoques et que s'il devait faire chauffeur de bus à Londres, il ferait une attaque. Puis me fait parler de mon voyage in Islanlde. Effectivement, je demeure le seul passager. A un moment, il me montre un avion, un espèce de petit jet, à côté d'une ferme et me raconte son histoire. En 1981, le pilote l'a posé en catastrophe, les trains d'atterrissage refusant de sortir. Pas de victime mais avion foutu. Le fermier du coin l'a remonté style maquette (il ne peut pas voler) et le garde dans son pâturage. Arrivés à destination, on tchatche encore 5 minutes et il refuse que je paie. Sûrement un Leprechaun en manque de sociabilité.

Je déplie mes bâtons, ajuste mes 19 kilos sur le dos et commence ma rando. Toujours ce paysage de tourbe et de lochs, et plein de moutons qui y broutent peinard. Je fais un détour par une plage de sable blanc, avant de reprendre mon itinéraire initial vers la presqu'île de Fethaland. Je aperçois son phare de loin, mais la marche est agréable dans ce cadre. Au détour d'une colline, elle apparaît avec ses falaises déchique..., euh dentelées ! J'entame la descente, une mince bande de terre la relie à Mainland. Beaucoup de ruines de bâtiments en pierre, c'était un haut lieu de la pèche, notamment à la baleine. Les moutons squattent les lieux, bouffant peinard entre mer et ruines.

Je monte dans la presqu'île jusqu'au phare, c'est abrupte, comme les falaises déchirées. C'est un tout petit phare automatique, en bout de terre, spot parfait pour le pique-nique au cheddar, avant une petite sieste en plein cagnard. Je rentrerais en suivant les côtes, histoire de pouvoir caser "déchiquetées" dans ce récit, je croise des moutons perchés sur des éperons rocheux, squattant des plages en contrebas, mieux qu'au club Med les ovins ! Et c'est le retour des ballets de zoiseaux et des bonds des ch'tis lapins. 

Je sors de la presque et décide de me rapprocher de ma destination du lendemain. Je traverse le village de North Roe ("isthme rouge") en vieux norse, longe plusieurs lochs, jusqu'à ce que mes épaules me rappellent qu'il est l'heure de se poser. Ce sera donc dans un petit port de pêche, qui a aussi connu son heure de gloire avec la chasse à la baleine. J'attaque "Passages", un gros pavé de Connie Willis, dont j'avais beaucoup aimé le cycle sur les voyages temporels.


8 août

Ciel couvert et vent de sa race. Et ce juste le jour où je vais grimper sur Collafirth Hill et Ronas Hill, les deux plus hautes collines des Shetland. L'angoisse de revivre le traumatisme du Craig Patrick, la plus belle vue d'Irlande à son sommet, et où nous n'avons rien vu à plus de cinq mètres à cause de la brume ... Les collines sont pas loin du port où j'ai dormi, mais rien que pour monter la route jusqu'à la station radar avant le chemin de rando, c'est du physique avec ce vent violent. Et je vous raconte pas ensuite entre tourbe spongieuse (me suis quand même enfoncé une jambe jusqu'au genou à un moment), champs de pierres, côtes raides, absence de balisage et ce putain de vent de face (c'est chaud avec le sac à dos, malgré son poids, le vent déstabilise pas mal). Paysage de toundra désolée, pas un seul mouton.

 

 Enfin si, j'en croiserais quatre, surement envoyés au goulag des moutons. J'ai failli renoncer mais le fait de savoir qu'il y avait un vieux cairn néolithique au somment m'a motivé. J'en fus récompensé malgré le sang et les larmes de l'ascension, le cairn au milieu du sommet décharné et surtout une superbe vue à 360 degrés avec les côtes sur le nord et l'ouest et l'île de Yell à l'est. Le vent demeurant insoutenable, je ne m'attarde guère et entame la descente avec les mêmes difficultés. Et heureusement, il ne pleut pas, avec la tourbe cela aurait été infernal.

Une fois arrivé en bas, je me fais mon déjeuner au cheddar avant reprendre la route. Le but est de parcourir les 10 kilomètres jusqu'à la route principale pour choper un bus qui me mènera à l'ouest de Mainland. Même si il est un peu moins violent qu'au sommet, le vent est toujours là, mais les paysages de lochs et collines qui bordent la route rendent la marche agréable. Jusqu'au moment où il se met à pleuvoir, et même si c'est pas un orage, ça cingle pas mal vu le blizzard qui sévit. Rapidement un camion s'arrête, vu la taille de la route, son camion en fait la largeur. Le chauffeur, James DeLoran ("like the cars", précise-t-il, et j'ajouterais "back to the future" !), est très sympa, me dépose au croisement avec la main road et me file un paquet de m&m's. J'attendrais le bus sous l'abri, pluie et vent ne se sont pas calmés.

J'arrive à Hillswick, le vent redouble mais il ne pleut plus. Je commence le tour de la presqu'île, croise des moutons orange, une falaise qui forme une arche naturelle et me dit que même s'il n'est que 17h, je vais poser ma tente après ces deux grosses journées de marche. Je me choisis un spot sympa derrière les murets d'une ferme en ruine avec falaise et moutons en vue, sort mon bouquin et me rapatrie sous la tente quand la pluie revient. Mon sanctuaire tremble sous le vent quand j'écris ces lignes mais elle assure toujours après avoir survécu à l'Islande, la Laponie et la tempête du Mordor fest l'année dernière.

9 août

Vent violent et pluie toute la nuit, la tente a bien pliée mais n'a pas rompu. Je me fais un café à l'abri avant de ranger le tout et de me mettre en marche quand la pluie se réduit à une simple bruine, qui cessera rapidement. Mais toujours vent de sa race. Je continue mon tour de la presqu'île, et même si je commence à avoir l'habitude de ces paysages entre falaises, pâturages, tourbe et moutons, cela demeure une bonne aération de tronche à chaque fois. Nouveauté, avec le vent, faut faire gaffe à pas marcher trop prêt des falaises, je rigole pas quand j'écris qu'il est hard, avec le sac, il me déporte quelques fois. 

Je passe au niveau d'une arche, salue des moutons à flanc de colline et arrive à un phare. Un bateau de pêche est de sorti malgré le temps. Je continue sur les hauteurs, toujours soufflé comme un jonc, et j'arrive en vue d'un putain de pilier rocheux qui émerge, et juste derrière "The Dongs", un éperon en forme de dents. Face à cela, on se sent tout petit (phrase à absolument lasser dans tous carnets de voyage digne de ce nom je le rappelle), je me pose pour savourer le spectacle, renforcé par le fracassage de vague. La suite mêle toujours falaises, moutons and co, le vent rend la progression parfois difficile. Je finis par une plage avant de rejoindre le village d'Hillswick, il est midi, cheddar time. 

Je décide ensuite de poursuivre ma route vers la pointe ouest de Mainland, d'autant que j'ai repéré un camping pas cher, bienvenue après ces jours de bivouac. Le trajet en bord de route est des plus hard vu la violence du vent, l'impression de faire du sur place, entre kilomètres parcourus et ressentis, il doit y avoir un gouffre. Et en plus, y a des côtes, et avec le vent de face, je prends cher. J'arrive enfin en vue de café/campsite après une dernière putain de montée, l'endroit est des plus sympa. Je commence à monter ma tente, avec le vent je bataille mais j'ai l'habitude, quand un mec de l'équipe vient me voir, je lui dit que ça va aller, que j'ai fait ça la veille à Hillswick. Il me dit qu'il y a trop de vent et me file les clefs d'un mini-bungalow, for the same price (qui en plus est le camping le moins cher depuis le début de mon séjour), je le remercie et on tchatche un petit moment. J'écris donc ces mots bien au chaud et appréhende de dormir sur un vrai matelas après trois semaines d'abstinence. 

 10 août

J'ai eu du mal à dormir, surement un jet lag niveau confort. Je sors de mon palace, le vent est tombé et le soleil est de retour. C'est parfait pour une mise en jambes vers l'extrême nord-ouest de Mainland (je trouve quand même la forme de l'île assez démente.). Quelques kilomètres entre côtes et lochs, et j'arrive au phare qui marque cette limite, le dernier construit par la lignée Stevenson, le seul carré si j'ai bien suivi. 

Ce sont les falaises de Eshaness, et elles sont déchiquetées leur race. Et même si le vent est faible, les vagues se fracassent bien volontiers sur leurs flancs. On est plus dans la tourbe mais une herbe verte, et les moutons se gavent bien. Alors que dans les Orcades et dans le sud de Mainland, ils étaient tous tondus, dans le nord il y en a encore pas mal avec leur laine sur le dos. 

Je croise pas un être humain et longe la côte pour m'orgasmer les rétines. Au bout d'un moment, je retrouve la tourbe et m'aperçois que les heures ont filé. Après la pause repas, je reprends ma boucle, passe par un mini-musée d'un mini-bled où j'apprends, entre autres, que cette côte a vu un nombre assez impressionnant de naufrages. 

Je finis tranquille mon après-midi assis face à une grande arche située au large, même pas sorti mon bouquin. Toujours face à la mer, je tape ces lignes avant la soupe du soir et le dodo, back to la tente.

11 Août

Retour du vent et d'un ciel sombre, je kungfute la tente malgré les rafales et me mets en route. Je dois choper un bus mais c'est pas à côté et pas envie de me prendre une rincée. J'échappe à la pluie, et le vent, bien que pénible, est moins fort que lors de mon arrivée. Et toujours bon karma, la pluie se met seulement à tomber quand j'arrive sous l'abribus. Retour à Brae, où j'ai le temps de refaire mon stock de cheddar avant la correspondance qui me mène à Töft, où je prends le ferry pour Yell, première des îles du nord. La traversée dure à peine un quart d'heure. Je vais mes rencarder pour les bus qui mène au 2e ferry au nord de l'île pour aller sur Unst, l'île la plus au nord de l'archipel. Pas de bus avant trois heures, 17km jusqu'au ferry et pas un café à l'horizon. Je sors mon bouquin pour patienter et dès qu'un nouveau ferry arrive, je tend le pouce. Bonne pioche, deux jeunes électriciens qui doivent faire une réparation au port du 2e ferry me prennent dans leur camion. On traverse Yell sur fond de techno hardcore et je chope le prochain ferry. La traversée est encore plus rapide que la précédente, les îles sont très proches. De là, j'ai quelques bornes à faire pour arrivée à l'auberge de jeunesse / campsite pas chère que j'ai repéré. Fin du bon karma, je prends un bon déluge sur le trajet. J'arrive donc trempé (et grognon). Vu que le camping est à 10 balles et le dortoir à 20, j'hésite pas trop longtemps pour me faire péter l'embourgeoisement, d'autant que la pluie ne se calme pas. La journée est bien entamée, je mets mes affaires à sécher, profites pour bouquiner dans la loggia avec vue sur la mer, enfin sur la brume surtout, et de la cuisine. Et pompon sur le poney, je suis seul dans le dortoir.

12 août

Changement d'ambiance ce matin avec un beau soleil. Ca tombe bien, mon objectif est la péninsule d'Hermaness tout au nord-ouest, et l'auberge est au sud, et des bus, ben y en a pas. Du coup, ça fait une belle marche, rien que pour aller là-bas. La route est agréable, toujours ces paysages de toundra, lochs et pâturages, et toujours essentiellement des moutons. La brume s'installe et ça fait très lande baskervilienne. Je ferais une pause à un des trois cafés de l'île, et seul "shop", au bout de trois heures, et je tombe sur un abribus très décoré avec, entre autres, une statue de puffin géant. 

A priori, vu que les bus sont rares sur Unst, les habitant.e.s ont commencé à l'aménager pour qu'il soit confortable, et c'est devenu un tradition, avec un thème qui change chaque année. Pour 2023, il semblerait que ce soit autour des pirates. Je m'arrêterais aussi au musée de l'île, qui a un rayon "poney". Hyper adaptés à leur environnement, ils sont des plus coriaces. Les vikings voudront les croiser avec leurs chevaux plus grand, et bien, caramba encore raté, le gêne "petit" est dominant ! Ils seront victimes de la loi sociale qui interdira le travail des enfants dans les mines au 19e et remplaceront ces derniers par milliers. Un syndicat des poneys mineurs, ça aurait eut de la gueule !

Au bout de 4 heures de marche, j'arrive à Hermaness, la brume s'est levée. C'est un zone protégée, et une des rares rando vraiment balisée (histoire de pas fracasser les plantes et les nids). J'entame la traversée d'une zone tourbée, avec des très belles fleurs violettes. Les moutons semblent s'autogérer ici. En arrivant auprès des côtes, la claque, avec des falaises époustouflantes, et pas si déchiquetées que ça. 

Plutôt cinquante nuances de vert et marron qui se jettent à la mer. Je m'assois pour bloquer un moment, avant de faire un détour par deux falaises où nichent des milliers d'oiseaux, des genets. Entre les parois blanches d'oiseaux et les dizaines qui dansent dans les airs, c'est hypnotique.

 J'arriverais à m'en détacher pour repartir longer les falaises côté nord, arriver en vue d'une île avec un phare perché de chez perché (et construit par Tonton Stevenson). L'île minuscule juste derrière est la terre britannique la plus au nord. En sortant de la péninsule côté tourbières, je m'aperçois qu'il est 17h et que ça fait un retour pour 21h ...

 Cela ne m'empêchera pas de squatter avec un groupe de poneys dont le pâturage est en bord de route, notamment un pie marron/blanc qui me rappelle celui de Yakari. Je caresserais l'encolure de Petit Tonnerre un bon moment, c'est quand même raaahlovely cromignon comme bestiau ! Je lui promets de revenir le lendemain, reprends ma route. Il est 18h30 et je suis encore loin. Je tends le pouce, un mec s'arrête, il va prendre le dernier ferry, fait le trajet pied au plancher et je suis de retour à l'auberge avant 19h, mais bien crevé.

13 Août

Grosse brume ce matin, mais pas de pluie. Comme il est tôt quand je me mets en route, j'ai espoir qu'elle se lève pour profiter de la côte nord-est. Je commence à connaitre cette route qui traverse l'île du sud au nord. En ce dimanche matin, elle est déserte. La brume limite carrément l'horizon à quelques dizaines de mètres. En écho au roman que je lis sur les EMI et le fameux corridor. D'ailleurs, il y a sur cette route une statue, kitch, de Dame Blanche. Elle aurait été tué par des bandits en voulant rejoindre son fiancé et depuis hante les lieux, apparaissant parfois sur le côté de la route ou sur le siège arrière d'une voiture. Je passe devant l'abribus pirate et son puffin, le café/shop n'est pas encore ouvert. Je continue vers le nord, la brume s'épaissit. Le pâturage de Petit Tonnerre est désert. 

En arrivant sur Haroldswick, il y a une reconstitution d'une maison longue viking et d'un drakkar, très classe. Je dépasse le village et tombe sur un ensemble de bâtiments se définissant comme "Space Port" et avertissant que l'entrée est interdite et que tout alien appréhendé sur le site sera remis à la police de Mars .... Y a degun pour me renseigner et tout est fermé, peut-être parce que c'est dimanche. Dommage, mon sang rôliste n'avait fait qu'un tour en découvrant le truc. Comme le wifi n'arrive pas jusqu'à Unst, je pourrais me rencarder sur le délire que plus tard (edit : donc le projet est des plus sérieux : https://saxavord.com/ ).

 Je dépasse la base spatiale donc et je me rends à l'évidence, la brume est vraiment dense, randonner sur les falaises dans ces conditions n'est pas une bonne idéééééééée ... Je redescends par la côte, m'arrête au café en début d'aprème et poursuit sur la route, pour arriver à l'auberge vers 16h30, non sans avoir salué des poneys qui s'en battaient l'oeuf. La brume se lève mais il commence à pleuvoir. Une bonne ambiance pour continuer mon bouquin dans le patio.

14 août

Levé tôt pour choper le ferry, soleil ce matin. La route est déserte, les quelques kilomètres sont bien plus agréable sans l'orage J'arrive bien en avance et sympathise avec un mec en camion en attendant le bus. Il propose de m'emmener directement sur Mainland, voire à Lervick. Bingo. C'est un ingénieur qui a passé le week-end à pêcher sur Unst. Et ça a du parfois être long vu le nombre de canettes de bière vide dans son camion. Lors de la traversée sur le 2e ferry, on l'appelle de son boulot et il me dit que soit il me laisse au bus, soit il m'emmène sur son chantier sur le chemin, mais que ca sera pas long. du coup je me retrouve à siroter un café au milieu d'une centaine d'éoliennes.

Une fois à la Viking bus station de la capitale, je sors ma carte, analyse les lignes de bus et les différents coins que j'aimerais voir dans les deux jours qu'il me reste. Du coup, c'est direction Nesting dans l'est. Une fois descendu du bus, une longue marche, dans des paysages moins sauvages que dans le nord. C'est vert et y a pleins de lochs. Et de moutons. Et un beau soleil. Je croise pas grand monde, si ce n'est une incontournable camionnette Peugeot rouge "Royal mail", que je n'ai cessé de voir pendant mon séjour, y compris dans les coins les plus paumés où une boite aux lettres peut se trouver en bord de route.

Une fois la tente posée, j'explore les environs, côtes, plages, rochers escarpés, paturages, lochs. Une brume se lève, ce qui rend certains endroits assez fantomatique et bloquant. D'autant qu'il y a beaucoup de lochs, des barques vides qui semblent attendre d'accompagner le Roi Arthur vers sa dernière demeure en Avalon. Mais aucune main n'en surgira pour me remettre Excalibur. La brume s'épaissit encore, je me chope une ginger beer à une épicerie paumée et me pose à côté de la tente. Les moucherons sont là mais n'arriveront guère à troubler la quiétude de la journée.

 15 août

Presque une grasse matinée avec un levé à 7h30. Temps couvert mais pas de brume, ni de pluie. J'ai planté la tente dans le terrain d'un Community Hall, un espèce de centre social, où tu as accès aux douches et aux toilettes en laissant une donation. Je prends le bus pour Lerwick, et je flâne un peu sur le port, pas longtemps car un gros paquebot Costa déverse ses flots de touristes. Je prends un ferry pour Bressay, une petite île en face, qui ne semble pas les intéresser. 

Et en effet, je croiserais pas grand monde. Je traverse l'île puis longe la côte, des moutons paissent peinard à côté d'une plage. En continuant, je tombe sur les ruines d'une maison viking face à la mer, et dans un cimetière, une stèle picte finement ouvragée. C'est la réplique de celle trouvée ici même, l'originale étant au musée d'Edinburgh.

 Je continue à longer la côte, gravis la seule colline de Bressay pour avoir une belle vue circulaire sur l'île, sur la petite Noos en face et sur le port de Lewrick. Je redescends tranquillement, retournes au ferry par des chemin de traverse. Une fois à Lewrick, je chope diverses peluches et autres magnets vu que les touristes ont réembarqué, et reprends le bus pour Nesting où je fais un détour par des lochs avant de retrouver le Community Hall, où y a d'ailleurs un cours d'aérobic. Je préfèrerais bouquiner dehors ...

16 août

Levé à l'aube pour cette dernière journée aux Shetland, celle teintée de la nostalgie du retour. Premier bus pour Lerwick, puis correspondance pour Scalloway, l'ancienne capitale des Shetland, qui se trouve pas loin. Joli petit port qui semble endormi. Je prends un café face à la mer, traine sur le port, soleil et nuages créent de beaux reflets, et vais mater le château aussi construit par un tyran. 

C'est à Scalloway que fut organisé le "Shetland bus", un réseau de transport de réfugiés résistants et de matériel vers la Norvège alors occupée par les nazis. Les pêcheurs des Shetland et de Norvège et leurs bateaux servirent de couverture à ces voyages.

Retour à Lerwick pour flâner sur le port, tirer jusqu'au cap, revenir par la citadelle, aller mater les vitraux du cty hall, me faire un fish & chips et aller choper une bouteille de whisky shetlandais pour Marseille et des bières locales pour la traversée et ma collec de bouteilles. Je bouquine un peu face à Bressay avant d'embarquer à 17h pour arriver à 7h demain à Aberdeen.

17 Août


Très peu dormi, mais de toute façon les derniers jours sont toujours enveloppés du brouillard de la nostalgie. Je débarque à Aberdeen, et trace de suite à la gare routière. ca sera au prochain voyage en Ecosse que je découvrirais la ville. Trois heures de route plus tard, c'est l'arrivée à Edinburgh où je dépose mon sac à dos, tente & co à la consigne pour passer la journée peinard. La ville est blindée de monde, c'est le Festival international d'Edinburgh (musique, théâtre, danse ...). Le choc est rude après 4 semaines de quasi sociopathie. Je déambule dans le vieille ville, me chope mes derniers souvenirs et cadeaux et me fais le musée national. Enfin, une seule partie, vu qu'il est très vaste. Je me focaliserais sur les étages archéologie jusqu'au Moyen-Âge.

Pause dans un parc, retour à la déambulation, visite de la cathédrale. Puis une pause bière dans un pub avant de me faire un Haggis avec un petit Glengoyne 10 ans d'âge, histoire de pas se laisser abattre comme disait JFK. Une dernière petite marche dans le centre pour faire passer ça, burps, une dernière bière pour la route et je prends le bus pour l'aéroport vers 23h, mon avion décollant à 6h.

Voilà, c'est fini pour ces quatre semaines enchanteresses aux Orcades et Shetland.